2. La memoria et les valeurs romaines

Si la memoria manifeste la dignitas d’un individu appartenant à une lignée, elle garantit aussi la qualité morale de tout être humain. Elle se retrouve donc associée aux valeurs romaines fondamentales : pietas, humanitas, gratia, fides. Celles-ci permettent des relations pacifiées et loyales entre les hommes, fondement d’une société organisée et stable 1019 . Parmi elles, la gratia paraît la plus importante, elle est indéfectiblement liée à la memoria.

Ainsi dans le discours de Remerciement au sénat, le 5 septembre 57, c’est sa memoria qui fait un devoir à Cicéron d’exprimer sa gratitude pour l’aide des sénateurs qui lui ont permis de revenir d’exil et de rentrer triomphalement à Rome le 4 septembre 57. L’hyperbole traduit la force du souvenir, capable d’occuper le reste de son existence :

‘… tamen exiguum reliquae uitae tempus non modo ad referendam, uerum etiam ad commemorandam gratiam mihi relictum putarem. 1020

A l’égard du consul Publius Cornelius Lentulus Spinther aussi, un des auteurs de son rappel, une question oratoire exprime avec incrédulité l’impossibilité de s’acquitter pleinement de sa dette :

‘Quando enim ego huic homini ac liberis eius, quando omnes mei gratiam referent? Quae memoria, quae uis ingenii, quae magnitudo obseruantiae tot tantisque beneficiis respondere poterit? 1021

L’accumulation des trois qualités — memoria, uis ingenii, magnitudo obseruantiae — tente de répondre quantitativement à l’importance des services, marquée par les intensifs tot tantisque, mais sans succès, selon Cicéron : il n’aura pas assez d’une vie pour se souvenir avec gratitude et en proportion des beneficia obtenus.

L’attachement à cette memoria beneficiorum est constamment affirmé dans les discours. Ainsi, bien plus tard, en septembre 46, dans le Pro Marcello, il justifie devant César son départ en Grèce auprès de Pompée pendant la guerre, non par un parti pris idéologique, mais en mémoire des bienfaits reçus de la part d’un ami :

‘Hominem sum secutus priuato officio, non publico, tantumque apud me grati animi fidelis memoria ualuit ut nulla non modo cupiditate, sed ne spe quidem prudens et sciens tamquam ad interitum ruerem uoluntarium. 1022

L’expression fidelis memoria souligne le rôle de la mémoire dans la loyauté due à un ami : elle est le principe dynamique de la fides, donc de l’amicitia qui consolide la société romaine, car elle affirme la nécessité de la reconnaissance des bienfaits reçus — grati animi.

Nous devons nous attarder sur un discours qui développe précisément et longuement cette théorie d’une memoria, comme fondement de la morale : le Pro Plancio (du paragraphe 80 au paragraphe 102). Prononcé en août 54, il prend la défense de Cnaeus Plancius, édile accusé par un rival malheureux, Laterensis, d’avoir exercé des pressions pour se faire élire, et d’être au service des maîtres officieux de Rome. Laterensis reproche à Cicéron de défendre Plancius pour des raisons strictement personnelles : en effet, seul parmi les magistrats de l’époque, Plancius lui apporta son aide, accueillant l’exilé à son arrivée, à Dyrrachium, avant de l’emmener à Thessalonique en Macédoine où il résidait en tant que questeur, où il l’hébergea et le protégea physiquement de ses ennemis. Cicéron s’estime déchiré entre deux devoirs de reconnaissance : envers Laterensis, qui était son partisan et souhaitait ardemment son retour, et Plancius, qui, lui, œuvra matériellement pour ce retour, en le préservant des coups de l’adversaire. Son hésitation prend sa source dans un débat théorique sur la nature humaine que Cicéron intègre à son argumentation. Il déclare vouloir posséder en bon citoyen — bonus ciuis — toutes les vertus, qui prennent leur source dans la gratia, elle-même rendue possible par la memoria, dans une série de questions oratoires qui traduisent le caractère d’évidence de sa démonstration :

‘Quid est pietas nisi uoluntas grata in parentes ? Qui sunt boni ciues, qui belli, qui domi de patria bene merentes, nisi qui patriae beneficia meminerunt ? Qui sancti, qui religionum colentes, nisi qui meritam dis immortalibus gratiam iustis honoribus et memori mente persoluunt ? Quae potest esse uitae iucunditas sublatis amicitiis ? Quae porro amicitia potest esse inter ingratos ? 1023

La gratia s’applique ici à tous les aspects de la vie du citoyen romain : elle assure le respect de la famille, en suscitant la pietas envers ses parents — uoluntas grata ; l’amour de la patrie, qui offre ses bienfaits au citoyen — beneficia meminerunt ; l’adoration des dieux qui protègent les Romains — meritam dis immortalibus gratiam. Or, la gratia s’appuie toujours sur la memoria, souvenir des bienfaits de la patrie — patriae beneficia meminerunt — ou des dieux — memori mente. Memoria apparaît bien comme une valeur fondatrice au sens étymologique du terme : elle est la base des relations de l’individu avec sa famille, son pays, ses concitoyens et ses dieux, dans une gradation qui élargit son champ d’action de l’individu à la cité, puis de la cité aux dieux, c’est-à-dire à l’univers entier.

Elle participe aussi à la définition du citoyen idéal que rêve d’être Cicéron : on voit à travers l’emploi de l’expression bonus ciuis combien vie morale et vie civique paraissent indissociables à l’orateur ; la morale ne peut se détacher de la politique. Il souligne ainsi l’importance de la gratia, donc de la memoria, dans le cadre des relations sociales qui structurent la cité : ces titres à la reconnaissance, mis en réseau, créent un tissu social qui maintient la cohésion de la communauté romaine. Cicéron doit donc manifester sa gratia le plus justement possible, puisqu’elle fonde la vie sociale, et les autres valeurs morales essentielles, comme la pietas.

En définitive, c’est Plancius qui a davantage mérité son intervention, par son action, quand Laterensis s’est contenté de bonnes intentions. Il la justifie ainsi aussitôt par le devoir de reconnaissance précédemment abordé, avec l’exemple de la relation instaurée entre l’élève et le maître d’école :

‘Quis est nostrum liberaliter educatus cui non educatores, cui non magistri sui atque doctores, cui non locus ipse ille mutus ubi alitus aut doctus est cum grata recordatione in mente uersetur? 1024

En effet, le bienfait ne voit son existence confirmée que dans et par la mémoire de son bénéficiaire :

‘Quae (officia) certe sublata memoria et gratia nulla exstare possunt. 1025

Une fois de plus, l’avocat se fait philosophe et élargit le débat ; la gratia sous-tendue par la memoria beneficiorum non seulement établit un réseau de relations sociales — adligari —, mais surtout marque l’appartenance à une plus vaste communauté, dont elle est une valeur constitutive, l’humanité :

‘Equidem nihil tam proprium hominis existimo quam non modo beneficio sed etiam beniuolentiae significatione adligari, nihil porro tam inhumanum, tam immane, tam ferum quam committere ut beneficio non dicam indignus sed uictus esse uideare. 1026

Gratia et memoria se trouvent ainsi impliquées dans des considérations anthropologiques, et aident à définir l’humanitasproprium hominis 1027 , c’est-à-dire ici la civilisation et la pensée, par opposition à la sauvagerie et à l’animalité — inhumanum, immane, ferum. Elles sont le « propre de l’homme » aux yeux du philosophe 1028 .

Cet humanisme cicéronien trouve son application dans l’amicitia, non pas une amitié intéressée sur le mode épicurien 1029 , mais une amicitia fondée sur la nature, qui pousse les hommes à s’unir et à s’entraider, par affection ; Cicéron s’oppose en cela à l’épicurisme tel qu’il le perçoit : ce n’est pas le beneficium qui entraîne l’amicitia, mais l’inverse 1030 . Sa gratia envers Plancius est donc naturelle dans le cadre de leur amicitia. Car lorsque Laterensis l’accuse d’avoir perdu sa liberté, à son retour, et de s’être enchaîné, par reconnaissance, à ceux qui l’ont fait revenir, à savoir César et Pompée — Laterensis lui reproche ainsi implicitement d’avoir trahi la cause républicaine —, Cicéron lui réplique en assumant pleinement sa memoria beneficiorum, dont il préfère se vanter, puisqu’elle fait de lui un homme de bien :

‘… primum, si bene de me meritis gratum me praebeo, non desino incurrere in crimen hominis nimium memoris nimiumque grati? 1031

En effet, la reconnaissance n’est jamais excessive : nous avons vu plus haut qu’une vie ne suffisait pas à Cicéron pour remercier — sur un mode hyperbolique — les sénateurs et le consul Lentulus de son rappel en septembre 57.

Toutefois, Cicéron admet, non sans pragmatisme, qu’il faut savoir s’adapter à l’actualité, pour se sauver et donc continuer à peser dans le jeu politique, c’est-à-dire assurer la sauvegarde de l’Etat républicain. Il exaltera sans scrupule la gloire de Pompée, reconnue de tous, ou celle de César, célébrée par le Sénat et le peuple. Mais, ajoute-t-il, pour justifier sa soumission à leur égard, il pourrait aussi louer Pompée d’avoir permis son retour à Rome en 57 :

‘Ego autem Cn. Pompeium non dico auctorem, ducem, defensorem salutis meae — nam haec priuatim fortasse officiorum memoriam et gratiam quaerunt — sed dico hoc quod ad salutem rei publicae pertinet 1032

Cette argutie, que révèle la prétérition — non dico 1033 , se trouve cependant étayée par l’évocation d’un principe moral, la memoria officiorum — variation de la memoria beneficiorum. En user comme d’une justification, même captieuse, révèle l’importance qu’elle revêt, ainsi que la gratia qui lui est comme toujours associée, aux yeux de Cicéron, et apparaît comme une nécessité impérieuse dans l’organisation de la cité telle qu’il l’envisage.

La memoria est donc au cœur du projet humaniste de Cicéron, comme l’atteste le contre-exemple de Vergilius. A Laterensis qui lui reproche d’exagérer les bienfaits de Plancius, Cicéron rappelle les difficultés qu’il a lui-même dû affronter en quittant l’Italie ; notamment quand il s’est vu refouler de Sicile, où il comptait se rendre dans un premier temps, par son gouverneur, Caius Vergilius, pourtant ami de Marcus Tullius et ancien collègue de son frère Quintus, ce qui occasionna son départ pour la Grèce, où Plancius l’accueillit. En une question oratoire, il juge que Vergilius ne l’a pourtant pas trahi, ni n’a perdu les qualités morales qui caractérisent l’homme de bien et plus simplement l’ami :

‘Quid dicam ? C. Vergilio, tali ciui et uiro, beniuolentiam in me, memoriam communium temporum, pietatem, humanitatem, fidem defuisse ? 1034  ’

La memoria est liée, dans cette accumulation, à trois qualités qui font l’homme de bien : la pietas comme sens du devoir envers l’autorité, l’humanitas envers un homme en danger, Marcus Tullius lui-même, la fides envers un ami. Le « souvenir des malheurs communs » apparaît comme le ciment de l’amitié des deux hommes : il est nécessaire à des relations loyales et contribue ainsi à la solidité du corps social. La memoria se trouve ainsi intégrée au vaste champ des vertus de l’homme de bien.

En trouvant une excuse à Vergilius, en montrant qu’il n’a pas démérité ni renié le souvenir de leur passé commun — memoriam communium temporum —, il explique que ce refus est dû à la crainte de son ami de ne pouvoir surmonter seul les troubles que pouvait susciter son arrivée ni le protéger efficacement. Ce constat accentue donc l’impression de menace pesant alors sur l’exilé, et met en relief d’autant l’action courageuse de Plancius en sa faveur, là où le danger avait fait renoncer Vergilius à son devoir d’amitié.

Il prolonge aussitôt le mérite de son hôte en évoquant son accueil sur la route de Dyrrachium, où Cicéron avait débarqué, puis à Thessalonique, où Plancius était questeur : le rappel lyrique de ce souvenir douloureux et humiliant dramatise, en une apostrophe, le sort de Cicéron, renforçant encore le sentiment de gratitude envers Plancius :

‘O acerbam mihi, iudices, memoriam temporis illius et loci, cum hic in me incidit, cum complexus est conspersitque lacrimis nec loqui prae maerore potuit! 1035

Le souvenir des dangers traversés ensemble, des services inestimables de Plancius, affermit leur amitié ; la reconnaissance de Cicéron atteint son sommet dans une péroraison pathétique, où il déclare ne pas pouvoir oublier les veilles de Plancius à son chevet, à Thessalonique, alors qu’il était plongé dans le désespoir, justifiant ainsi la reconnaissance qu’il promettait, dès 58, par anticipation, de lui manifester un jour :

‘Memini enim, memini neque umquam obliuiscar noctis illius cum tibi uigilanti, adsidenti, maerenti uana quaedam miser atque inania falsa spe inductus pollicebar, me, si essem in patriam restitutus, praesentem tibi gratias relaturum 1036

L’anaphore de memini, la redondance créée par neque umquam obliuiscar, qui ajoute néanmoins un prolongement temporel avec l’emploi du futur, contribuent à la force pathétique de la scène, et renforcent ainsi l’idée d’une obligation morale envers Plancius à laquelle Cicéron ne saurait se soustraire.

Rien ne doit venir empêcher l’avocat d’accomplir son devoir de mémoire et de reconnaissance envers Plancius, en démontrant son innocence, et donc de démontrer sa propre nature de uir bonus, par la manifestation d’une faculté qui le définit.

Notes
1019.

Ce sont essentiellement les valeurs transmises par le mos maiorum, comme le rappelle C. Moatti, La raison de Rome…, p. 32 : « (Le mos) appartenait ainsi à une sorte de “droit naturel” né avec la cité : par exemple le respect envers la famille (pietas) ou envers les dieux (religio), la reconnaissance envers celui qui nous a procuré un bienfait (gratia), considérés comme issus de la nature, en font partie… La mémoire se jouait dans un univers intemporel où tout semblait déjà institué et traditionnel : à l’image de leurs temples, les Romains étaient en quelque sorte adossés à leur passé. Même la première fondation avait été répétition de quelque chose de plus ancien : Enée avait renouvelé celle de Troie anéantie. »

1020.

CIC., P. red. in sen. 24. : « … le temps qu’il me reste à vivre me paraîtrait encore bien court non seulement pour témoigner, mais même pour commémorer ma reconnaissance. »

1021.

Ibid. 24. : « Pourrons-nous jamais, en effet, moi et tous les miens, nous acquitter envers cet homme et ses enfants ? quelle mémoire, quelle vigueur d’esprit, quels égards assez grands pourront répondre à de tels bienfaits ? »

1022.

CIC., Marcell. 14. : « J’ai suivi un homme par obligation privée, non pas publique, et chez moi la mémoire fidèle d’un cœur reconnaissant était si forte que sans aucun intérêt, et même sans espoir, en toute connaissance de cause, je me suis comme rué volontairement à ma perte. » (trad. M. Lob modifiée, Paris, CUF, 1952)

1023.

CIC., Planc. 80 : « Qu’est-ce que la piété, sinon la volonté d’être reconnaissant envers ses parents ? Quels sont les bons citoyens, ceux qui, à la guerre, qui, à l’intérieur, rendent service à leur patrie, sinon ceux qui gardent la mémoire de ce que la patrie a fait pour eux ? Quels sont les hommes irréprochables, ceux qui observent leurs devoirs envers les dieux, sinon ceux qui rendent aux immortels la reconnaissance qu’ils méritent, avec les honneurs qui leur sont dus, avec conscience ? Quel charme peut-il y avoir dans la vie, si l’on en supprime l’amitié ? Or, quelle amitié serait possible entre des ingrats ? » (trad. P. Grimal modifiée, Paris, CUF, 1976).

1024.

Ibid. 81. : « Lequel d’entre nous, élevé en homme libre, ne conserve dans son cœur un souvenir reconnaissant pour ceux qui l’ont élevé, pour ses maîtres et ses professeurs, pour le lieu même, inanimé, où il a été nourri et instruit ? »

1025.

Ibid. 81. : « Et ces services, si on en supprimait le souvenir et la reconnaissance, ne sauraient exister. »

1026.

Ibid. 81 : « Quant à moi, je considère que rien n’est aussi caractéristique de l’être humain que de se sentir lié non seulement par un bienfait, mais par un témoignage de bienveillance, et rien n’est plus contraire à l’humanité, plus monstrueux, plus sauvage que de se mettre dans le cas de sembler, je ne dis pas indigne d’un bienfait mais incapable de le rendre.

1027.

Cf. SEN., benef. V, 4, 1 : ergo nemo uinci potest beneficiis si scit debere ; V, 2, 1 : illud utique unice tibi placet uelut magnifice dictum turpe esse beneficiis uinci.

1028.

La memoria était déjà le “propre de l’orateur” (proprium oratoris), ce qui contribuait à faire de l’orateur l’être humain idéal. Cf. supra De or. II, 359, p. 50.

1029.

Du moins d’après Cicéron. Sur l’importance de l’amicitia dans l’épicurisme, cf. Lucrèce, De rerum natura V, 1019-1027 : elle est le principe d’union qui rassemble les hommes au sein d’une communauté et qui apaise leurs relations. L’amicitia épicurienne fonde des foedera (1025) qui assurent la stabilité de cette société humaine (Lucrèce s’inspire d’Epicure, Pensées 33). Si, par ses conséquences voulues (la paix et l’union), elle n’est pas si éloignée de la conception de la concordia de Cicéron, ce dernier lui reproche toutefois ses motivations, car elle est selon lui avant tout utilitariste ; dès lors, elle ne participe plus à la définition de l’humanitas. L’échange de services dont procède l’amicitia épicurienne constitue l’élément fondateur de la civilisation selon Lucrèce, qui réfute la mise au monde de celle-ci par un homme providentiel, le premier homme éloquent, seul capable de rassembler les hommes et d’organiser leur communauté d’après Cicéron (inu. I, 2).

1030.

Nous nuançons la définition de l’amicitia très pragmatique donnée par N. Boëls, « Cicéron : première Philippique, 11-début 13 (quoniam utriusque… supplicationes mortuo ?) », VL 154, juin 1999, 2-11, p. 6 : « … à un officium (service rendu) doit répondre un autre officium, mot qui prend donc le sens de “devoir”. Si le service est rendu par un supérieur, c’est un beneficium ; accepter un beneficium , c’est s’engager à manifester sa reconnaissance par l’officium… L’amicitia n’est donc en aucune façon l’amitié au sens moderne (l’affection n’y a pas de part) mais un lien politique et social, fondé sur les services rendus réciproquement. » Or pour Cicéron cette part affective est inhérente à l’amicitia, facteur de cohésion de la société des hommes, et contribue à la définition de l’humanitas.

1031.

CIC., Planc. 91 : « … en premier lieu, je vous pose la question : si je témoigne de la reconnaissance à ceux qui m’ont rendu service, ne puis-je cesser d’encourir le reproche d’avoir trop de mémoire et d’être reconnaissant à l’excès ? » (trad. P. Grimal modifiée, Paris, CUF, 1976).

1032.

Ibid. 93 : « Pour moi, envers Cn. Pompée, dont je ne dis pas qu’il fut l’instigateur, le principal auteur, le champion de mon retour — car ce sont là des mérites qui demandent peut-être seulement à titre privé le souvenir et la reconnaissance — je n’en dis que ce qui intéresse le salut de l’Etat » (trad. P. Grimal modifiée, Paris, CUF, 1976).

1033.

Toutefois, il appliquera ce principe dans sa Correspondance, développant la place de la memoria beneficiorum et de la gratia dans la sphère privée.

1034.

CIC., Planc. 96 : « Que puis-je dire ? Que C. Vergilius, si bon citoyen, homme d’une telle valeur, ait perdu toute sympathie pour moi, toute mémoire des dangers communs, tout sens du devoir, toute humanité, tout sentiment de l’honneur ? »

1035.

Ibid. 99 : « O souvenir cruel pour moi, juges, du moment et de l’endroit où il se trouva en face de moi, lorsqu’il me serra dans ses bras et m’arrosa de ses larmes, ne pouvant, de chagrin, prononcer une parole ! »

1036.

Ibid. 101 : « Je me rappelle, en effet, je me rappelle et je n’en perdrai jamais le souvenir, cette nuit où, alors que tu veillais, assis près de moi et que tu te désolais, je te faisais, malheureux que j’étais, des promesses vaines, sans réalité, entraîné par un espoir trompeur ; je te disais que, si j’étais rendu à ma patrie, je saurais te témoigner efficacement ma reconnaissance »