2. L’attrait de la postérité dans la Correspondance

Il est nécessaire d’étudier parallèlement ce procédé appliqué également dans la Correspondance. Le souci d’une gloire personnelle y apparaît en effet en écho aux discours à plusieurs reprises, et traduit l’ambition de chacun de voir son nom diffusé dans l’espace et dans le temps. Nous constaterons cependant un changement de ton : si les discours, prononcés dans le cadre d’une confrontation, étaient comminatoires, les lettres, elles, échangées par des correspondants qui affirment ainsi leur volonté d’établir des relations de confiance voire d’affection, procèdent davantage de l’éloge, voire de la flatterie. Elles adoptent donc un ton beaucoup plus amical et séduisant ; la memoria posteritatis s’y révèle plus une récompense qu’une menace.

Ainsi, Marcus Caelius Rufus, chargé par Cicéron de lui transmettre des nouvelles de Rome, déclare en juin 51 avoir tenu sa promesse — non sans mauvaise grâce toutefois —, et réclame en conséquence une récompense, la dédicace d’un ouvrage de Cicéron :

‘Aliquid ex tam multis tuis monimentis extare quod nostrae amicitiae memoriam posteris quoque prodat. 1125

Exaltant la notoriété d’un Cicéron susceptible de rejaillir sur ses amis, Rufus révèle sa vanité : il considère un livre de Cicéron comme un monumentum, un support de la mémoire, capable de perpétuer le nom du dédicataire, en même temps que le souvenir de leur amitié.

C’est aussi l’espoir orgueilleux de Cicéron lui-même dans une lettre adressée au même M. Caelius Rufus le 2 ou le 3 mai 49 ; il garantit à son fils un héritage suffisant (satis amplum patrimonium), son nom, immortalisé par la postérité :

‘Filio meo, quem tibi carum esse gaudeo, si erit ulla res publica, satis amplum patrimonium relinquam in memoria nominis mei ; sin autem nulla erit, nihil accidet ei separatim a reliquis ciuibus. 1126

La prétention de cette affirmation — somme toute justifiée par la non-appartenance de Cicéron aux grandes familles romaines — est immédiatement nuancée par la fin du passage, qui envisage une alternative, plus sombre, à cette postérité glorieuse : la fin de la République, donc l’oubli de ses hommes de mérite.

Dès lors, le souci du souvenir laissé à la postérité perd toute futilité, en prenant une portée politique ; en effet, il assure la reconnaissance de la patrie envers ses citoyens méritants, juste récompense des efforts de ces derniers. De ce fait, il suscite une saine émulation, justifiant l’ambition légitime d’accéder aux plus hautes responsabilités. Cicéron flatte cette ambition chez ses correspondants dans un but politique : la mettre au service de la nation.

Ainsi, Munatius Plancus, dont il peut craindre à juste titre les volte-face, demande son appui le 20 mars 43, afin de pouvoir accomplir les objectifs fixés par Cicéron. Dans une protestation de loyauté, il déclare espérer la récompense promise : laisser un souvenir glorieux à la postérité, comme défenseur de la République — ce qui ne manque pas de saveur quand on connaît la suite des événements :

‘quod spero, si me fortuna non fefellerit, me consecuturum, ut maximo praesidio rei publicae nos fuisse et nunc sentiant homines et in posterum memoria teneant. 1127

Il s’agit toujours d’éprouver la gratitude à travers la mémoire, mais cette fois, des hommes du futur. Cicéron joue de cette préoccupation pour impliquer Plancus dans le camp républicain, en fixant l’attention du général sur cette récompense et sur la portée des actes qui l’inspireront. Au point de lui promettre, en réponse, le 25 mai 43, la perpétuation du souvenir par la postérité, pour le séduire. Pour ce faire, il le félicite de la lettre qu’il a envoyée depuis la Gaule au Sénat, auquel elle renouvelle l’expression de son attachement ; l’emploi du pronom indéfini nihil, sa redondance, les comparatifs (gloriosius, gratius), traduisent sur un mode hyperbolique la chaleur de l’accueil du sénat ; Plancus se trouve ainsi flatté de voir satisfait le désir d’immortalité dans la mémoire des hommes exprimé dans la lettre précédente ; l’affirmation catégorique de Cicéron lui garantit d’être intégré dans cette memoria hominum, collective, historique et nationale :

‘Nihil post hominum memoriam gloriosius, nihil gratius, ne tempore quidem ipso opportunius accidere uidi quam tuas, Plance, litteras 1128

Cicéron agit de même en louant l’acte fondateur accompli par les assassins de César, et leur promet la reconnaissance de la postérité, qui immortalisera leur souvenir. Il affirme ainsi 1129 sa confiance envers Decimus Iunius Brutus Albinus, imperator, consul désigné, confiance inspirée par le meurtre du dictateur :

‘Qua re hortatione tu quidem non eges, si ne in illa quidem re quae a te gesta est post hominum memoriam maxima hortatorem desiderasti. 1130

L’emploi de la formule « de mémoire d’homme », post hominum memoriam, garantit le caractère exceptionnel du haut fait de Brutus, dans l’histoire romaine, et lui permet d’espérer conserver ce statut privilégié à l’avenir, dans la mémoire historique et nationale. La même expression est appliquée à Decimus Brutus et à Munatius Plancus, ce qui confirme ainsi l’identité d’intention de Cicéron, qui poursuit un double objectif : la louange doit les inciter à persister dans la même voie, à tenir leurs engagements à l’égard de la République. On peut concevoir que Brutus, par son implication dans la mort du dictateur, lui inspire plus de confiance que Plancus. Mais, outre la gloire ainsi promise, Cicéron veut aussi les assurer de l’approbation générale de leur conduite, pour les conforter dans leur choix. Ce qui signifie également que tous les regards sont fixés sur eux, et rendent possible la menace d’un jugement critique à leur encontre. Ils sont ainsi assurés de l’existence d’une solidarité dans et par la memoria, qui jouera en leur faveur ou non, selon leurs actes, et se trouvent engagés à mériter cette reconnaissance éventuelle.

Marcus Iunius Brutus lui-même, neveu et gendre de Caton (fils de sa demi-sœur Servilia, il épouse la fille de Caton, Porcia, auparavant mariée à Bibulus 1131 ), est invité à prolonger l’action de celui-ci. Cicéron juge, le 14 ou le 16 avril 43, qu’il a commis une erreur en refusant de tuer Marc Antoine aux Ides de mars. Cependant, son exploit, ce jour-là, est digne de la mémoire nationale et excuse sa bienveillance envers Antoine :

‘Sed haec omitto ; res enim a te gesta memorabilis et paene caelestis repellit omnes reprehensiones, quippe quae ne laude quidem satis idonea adfici possit. 1132

Là encore, l’éloge, la promesse de souvenir, doivent impliquer plus fortement Brutus dans la lutte contre le lieutenant de César, jugée indispensable par Cicéron qui semble reprocher à Brutus sa passivité, son refus de s’engager plus loin dans la guerre civile, notamment en restant dans sa province, la Macédoine , sans paraître se soucier de la situation dramatique de l’Italie, au moment où se déclare la guerre de Modène. R. Syme voit là une forme de répugnance pour la guerre civile 1133 .

L’avant-dernière lettre connue de Cicéron à Marcus Iunius Brutus, écrite après le 15 juillet 43, est une longue justification des récompenses commémoratives revendiquées par l’orateur pour les vainqueurs de Modène, morts ou vivants, notamment Octavien. Dans le droit fil de ce qui précède, Cicéron explique sa position à Brutus qui lui reproche de prodiguer trop d’honneurs aux vainqueurs de Modène ; en fait, dit-il, il recherche l’équilibre entre la prodigalité et la sévérité. Il n’en veut pour preuve que son jugement sur les Ides de mars, qui, en éliminant un danger pour la République, sont dignes de mémoire, donc d’être retenues par la postérité, mais qui pour autant sont insuffisantes, car Brutus a laissé vivre Antoine :

‘Post interitum Caesaris et uestras memorabilis Idus Martias, Brute, quid ego praetermissum a uobis quantamque impendere rei publicae tempestatem dixerim non es oblitus. Magna pestis erat depulsa per uos, magna populi Romani macula deleta, uobis uero parta diuina gloria… 1134

La critique est atténuée par la flatterie et la promesse de memoria ; il nous semble qu’un rapport peut être établi entre la nature memorabilis de l’acte des Ides de Mars et l’impossible oubli — non es oblitus — des reproches de Cicéron. Parce qu’il a accompli un acte inoubliable, destiné à passer à la postérité — nous retrouvons là le motif de la lettre précédente —, Brutus doit inévitablement être sensible aux enjeux de la memoria, et doté d’une memoria individuelle qui lui interdit d’oublier le blâme de Cicéron lié à ce meurtre memorabilis : la memoria collective doit ainsi affûter la memoria individuelle.

Fig.5 : Portrait de M. Iunius Brutus. Monnaie frappée de 44 à 42 av. J.-C., Berlin, Münzkabinett, or ; cf. R. Bianchi Bandinelli R.,
Fig.5 : Portrait de M. Iunius Brutus. Monnaie frappée de 44 à 42 av. J.-C., Berlin, Münzkabinett, or ; cf. R. Bianchi Bandinelli R., Rome, le centre du pouvoir, Paris, Gallimard, 1969 (l’Univers des formes), p. 348 ill. 395. Portrait de M. Iunius Brutus. Monnaie frappée de 44 à 42 av. J.-C., Berlin, Münzkabinett, or ; cf. R. Bianchi Bandinelli R., Rome, le centre du pouvoir, Paris, Gallimard, 1969 (l’Univers des formes), p. 348 ill. 395.

Par la suite, Cicéron oppose deux comportements : l’envie des uns, la reconnaissance des autres. En effet, on lui reproche d’avoir obtenu des honneurs pour les hommes méritants morts à Modène pour délivrer Décimus Brutus assiégé par Antoine, comme les consuls Hirtius ou Pansa, ou encore Aquila. Il juge que ces critiques viennent de sénateurs ingrats, à la mémoire défaillante :

‘quod quis reprehendet, nisi qui deposito metu praeteriti periculi fuerit oblitus? 1136

Cette absence de mémoire se traduit par le manque de reconnaissance envers des bienfaiteurs : la mesquinerie, l’égoïsme en sont la cause. Le danger en est la démobilisation des citoyens qui pourraient rendre service à la patrie, si celle-ci n’est plus en mesure de manifester la moindre reconnaissance pour le devoir accompli.

A ces sénateurs oublieux du devoir de mémoire, et donc des intérêts de Rome — cette accusation collective est un moyen indirect d’empêcher les reproches de Brutus —, Cicéron oppose son souvenir personnel, reconnaissant, et le jugement de la postérité qui aura, par son intervention — il demande la construction d’un monument commémoratif en l’honneur des soldats tombés à Modène —, un témoignage de l’union de la communauté contre les factieux :

‘Accedebat ad benefici memoriam gratam ratio illa quae etiam posteris esset salutaris : exstare enim uolebam in crudelissimos hostis monumenta odi publici sempiterna. 1137

Ainsi, Cicéron généralise la reconnaissance envers les héros, l’étend de la mémoire individuelle à la mémoire publique et radicalise ainsi la lutte contre Antoine.

A cette lettre justifiant les choix cicéroniens, répond comme en écho une lettre apocryphe 1138 , prétendument écrite par Brutus à la même période, qui prolonge la réflexion sur la memoria . Sur le mode du pamphlet, elle ruine ces choix et critique vivement les tentatives de rapprochement de l’orateur avec Octavien, en lui reprochant notamment ses contradictions par rapport à sa propre conception de la memoria.

C’est pour son déshonneur que “Brutus” lui rappelle d’abord les prières adressées à Octavien 1139 . Puis il joue sur la notion de memoria pour humilier les Romains : c’est avec fierté qu’ils devraient rappeler le meurtre de César pour effrayer ses héritiers ; le souvenir d’un tel haut fait leur rendrait leur dignité de Romains :

‘Quod si Romanos nos esse meminissemus, non audacius dominari cuperent postremi homines quam id nos prohiberemus, neque magis irritatus esset Antonius regno Caesaris quam ob eiusdem mortem deterritus. 1140

Or, c’est tout le contraire qui se produit ! Les citoyens oublient leur dignité de Romains en même temps que la gloire du tyrannicide, cédant à la crainte d’Antoine pour se jeter dans les bras d’Octavien :

‘Ac uide quanto diligentius homines metuant quam meminerint 1141

Cette perte de mémoire est une faute morale et politique, conformément à la conception cicéronienne de la memoria. Le pseudo-Brutus s’attaque directement à Cicéron, le prenant en flagrant délit d’incohérence, eu égard à cette doctrine. En effet, lui prétend se conformer à cette dernière, donner à Cicéron l’exemple de l’attitude qu’il devrait adopter, s’il était conséquent avec lui-même. Ainsi, “Brutus“, en stoïcien, préfère se retirer loin de Rome, qui sera avec lui en tout lieu, du moment qu’il y est libre, au lieu de supplier Octavien. Il considère que le souvenir de ses exploits, en lui donnant la conscience de sa dignitas, donc de son accomplissement en tant que citoyen et en tant qu’homme, est suffisant, avec la liberté, pour lui donner tout le bonheur possible 1142  :

‘quid enim est melius quam memoria recte factorum et libertate contentum neglegere humana? 1143

Ce mépris affiché pour les faux biens (neglegere humana) définit l’accomplissement de soi par la claire et pleine conscience de ses actes, et la liberté de décider de ceux-ci.

Inversement, les lâches qui se résolvent à flatter les aspirations tyranniques d’Octavien oublient leur propre valeur, perdent la conscience, en même temps que la mémoire, de leurs hauts faits passés, se privant par là-même de toute liberté 1144  ; parmi eux, le premier désigné est Cicéron, dont “Brutus“ vante l’action contre Catilina ou contre Antoine, mais auquel il promet l’oubli de la postérité s’il se compromet avec Octavien, toute cette gloire passée se trouvant effacée par le déshonneur présent :

‘… non modo reliqui temporis gloriam eripuerit (Cicero) sibi, sed etiam praeterita euanescere coget 1145

Ainsi, “Brutus“ promet à Cicéron le destin dont celui-ci menace ses ennemis dans ses discours.

Si cette lettre est apocryphe, elle représente néanmoins une tendance républicaine radicale, s’inspirant du stoïcisme du vrai Brutus et de ses désaccords réels avec Cicéron concernant Antoine et Octavien. Brutus refuse de s’engager dans une guerre civile à outrance en attaquant Antoine, avec qui il entretient des relations amicales, comme le rapporte R. Syme 1146 , et se méfie davantage de l’ambition du jeune Octavien — tandis que Cicéron prône la guerre totale et l’élimination d’Antoine, en s’appuyant sur un Octavien qu’il croit, à tort, pouvoir manipuler —, pour dénoncer tout rapprochement avec les futurs triumvirs, jugé, à raison, fatal pour la République. Hélas, l’un, en refusant le combat contre Antoine, empêchera de le prendre au piège en Gaule cisalpine et lui permettra de reconstituer ses forces ; l’autre, privé du soutien de Brutus, ne pourra donc appliquer sa politique jusqu’au bout, et verra de ce fait Octavien lui échapper, pour finalement se retourner contre lui. D’une certaine manière, cette “désynchronisation“ de l’instigateur d’un conflit radical, et de celui qui pouvait lui offrir les armes du succès, est sans doute à l’origine de l’échec final des Républicains, en 42 à Philippes, et de la mort violente de tous les deux.

La lettre du pseudo-Brutus reprend donc des éléments de l’idéologie de la mémoire cicéronienne, pour mieux révéler l’inconséquence du vieil orateur à l’égard de celle-ci. Du reste, il nous semble que l’accusation de perte de mémoire collective adressée ici par “Brutus” aux Romains, infamante, destinée à réveiller un certain sens civique et à jeter l’opprobre sur les aventuriers compromis avec les chefs révolutionnaires qui ont déjà fait le deuil de la République, est plutôt caractéristique du ton de certains discours où Cicéron dénonce les vices dont on l’accuse ici, elle a peu de rapports avec la Correspondance. En effet, celle-ci offre, d’une manière générale, un cadre aux relations personnelles, dans l’évocation de la memoria individuelle, et des rapports de gratia qui en découlent 1147  ; la memoria collective n’y est pas vraiment mise à contribution, sauf quand il s’agit de trouver une motivation supplémentaire aux acteurs de la vie publique, en leur offrant la perspective de la postérité. Le risque de l’oubli collectif de la dignité romaine, par exemple, ne nous semble pas abordé ailleurs dans la Correspondance 1148 . Cette lettre de “Brutus”, elle, évoque la mémoire collective des Romains déshonorés, pris en groupe, dont se distingue Brutus, le « dernier des Romains » selon Cremutius Cordius 1149  ; par cette destination collective, elle prend un ton oratoire, qui semble confirmer son appartenance au genre du pamphlet, destiné à une diffusion importante, en décalage avec le reste de la correspondance privée. Ce constat confirmerait donc sa nature apocryphe : émanation des partisans d’Antoine destinée à stigmatiser l’inconséquence de Cicéron ou des milieux républicains intransigeants, du moins constitue-t-elle l’aboutissement de la conception cicéronienne radicalisée, dont elle paraît grandement s’inspirer.

Notes
1125.

CIC., fam. VIII, 3, 3 ; lettre 196 : « Mon idée, c’est que parmi tant de monuments dressés par toi, il y ait aussi quelque ouvrage qui transmette à la postérité le souvenir de notre amitié. »

1126.

CIC., fam. II, 16, 5 ; lettre 413 : « A mon fils, pour lequel je constate avec joie ton affection, je laisserai, s’il subsiste une forme de République, un patrimoine assez considérable dans le souvenir de mon nom ; s’il n’en subsiste aucune, son lot ne se distinguera en rien de celui des autres citoyens. »

1127.

CIC., fam. X, 7, 2 ; lettre 851 : « j’espère l’atteindre, si la fortune ne me trahit pas, en sorte qu’on se rende compte dès à présent et qu’on garde en mémoire plus tard que j’ai apporté à la République un secours très puissant. » (trad. J. Beaujeu modifiée, Paris, CUF, 1991).

1128.

Ibid. X, 16, 1 ; lettre 900 : « De mémoire d’homme, à ma connaissance, il n’est rien survenu de plus glorieux, de mieux accueilli, ni même, par la date, de plus opportun que ta dépêche »

1129.

Le 9 décembre 44.

1130.

CIC., fam. XI, 5, 1 ; lettre 828 : « Aussi n’as-tu aucunement besoin d’encouragement, puisque, même dans l’accomplissement de cette grande action — la plus grande de mémoire d’homme —, tu n’as pas ressenti la nécessité d’avoir quelqu’un pour t’encourager. »

1131.

Cf. R. Syme, La révolution romaine…, l’arbre généalogique de Caton, p. 663. Sur les alliances et la vie de famille de Brutus, cf. Y. Benferhat, « Cicéron et l’épicurisme dans les Tusculanes I-II », VL 164, décembre 2001, 21-31 ; RE X, 1, n° 52, col. 972-973.

1132.

CIC., Ad Brut. II, 5, 2 ; lettre 863 : « Mais je n’insiste pas sur ce point : ton acte mémorable, presque divin écarte toutes les critiques, puisque, aussi bien, on ne peut lui trouver un éloge approprié. »

1133.

R. Syme, La révolution romaine…, p. 119, 179, 196.

1134.

CIC., Ad Brut. I, 15, 4 ; lettre 933 : « Au lendemain de la mort de César et de vos mémorables Ides de mars, Brutus, j’ai dénoncé ce que vous aviez négligé de faire et la violente tempête qui menaçait la République : tu ne l’as pas oublié. Grâce à vous, un grand fléau avait été éliminé, une grosse tache sur le nom du peuple romain effacée, et vous vous êtes acquis une gloire divine… »

1135.

Portrait de M. Iunius Brutus. Monnaie frappée de 44 à 42 av. J.-C., Berlin, Münzkabinett, or ; cf. R. Bianchi Bandinelli R., Rome, le centre du pouvoir, Paris, Gallimard, 1969 (l’Univers des formes), p. 348 ill. 395.

1136.

CIC., Ad Brut. I, 15, 8 : « Mais qui donc le critiquera, sinon celui qui, délivré de sa peur, aura oublié le danger passé ? »

1137.

Ibid. I, 15, 9 : « Au souvenir reconnaissant d’une bonne action s’ajoutait cette considération qui pouvait être salutaire aussi à la postérité : je voulais qu’il reste des témoignages indestructibles de la haine publique contre les plus cruels des ennemis. »

1138.

Cf. CIC., Correspondance, t. X, éd. J. Beaujeu, Paris, CUF, 1991, Append. I, p. 251 sqq. ; CIC., Correspondance, t. XI, éd. J. Beaujeu, Paris, CUF, 1996, p. 175-176. Ce texte prend pour point de départ une prétendue lettre de Cicéron à Octavien, à lui transmise par Atticus.

1139.

CIC., Ad Brut. I, 16, 1 ; lettre 937.

1140.

Ibid. I, 16, 3 : « Si nous nous souvenions que nous sommes romains, les derniers des êtres ne montreraient pas plus d’audace à convoiter le pouvoir despotique que nous en mettons à leur barrer la route, et Antoine aurait été moins alléché par la royauté de César que dissuadé par sa mort. »

1141.

Ibid. I, 16, 8 : « Et vois combien les gens sont plus attentifs à leurs craintes qu’à leurs souvenirs »

1142.

Toutefois, exilé, il peut trouver une consolation dans le souvenir de ses exploits, considérant que la patrie en perdant le souvenir de ses exploits est dénaturée. Ainsi fit Brutus (Ad Brut. I, 16 ; lettre 937), cité par G. Boissier, Cicéron et ses amis…, p. 344. Cf. également M. Bonjour, Terre natale…, p. 100-101 : « Cette identification de la Patrie à la Cité est telle que dans les Paradoxa Stoicorum (4, 1, 27-29) Cicéron propose comme une consolation de l’exil une critique de la Cité pervertie par les méchants. Après avoir défini la patrie civique, la ciuitas, comme l’ensemble des leges, iudicia, mos patrius, senatus nomen, Cicéron conclut qu’on ne peut être exilé quand tous ces constituants de la ciuitas sont abolis ou suspendus : Itaque pulsus ego ciuitate non sum, quae nulla erat. Réciproquement, ce n’est pas le lieu, mais la disposition morale qui fait le citoyen… Il en résulte que les scélérats qui exilent l’homme juste sont exilés dans leur propre patrie tandis que l’honnête homme condamné à l’exil n’est même pas l’exilé. La ciuitas est substituée à la patria. »

1143.

CIC., Ad Brut. I, 16, 9 : « En effet, qu’y a-t-il de meilleur que de se satisfaire du souvenir de ses bonnes actions et de la liberté et de mépriser les contingences humaines ? »

1144.

Ibid. I, 16, 10.

1145.

Ibid. I, 16, 11 : « … non seulement (Cicéron) se sera privé de toute gloire pour le reste du temps, mais il réduira même le passé à s’effacer »

1146.

R. Syme, La révolution romaine…, p. 106-107, 196, 198.

1147.

Comme nous l’avons vu plus haut : c’est la raison pour laquelle nous avons étudié la plupart des lettres en rapport avec la mémoire de l’individu, dans la deuxième partie de notre travail, « Memoria et Ethique ». Nous avons en revanche réservé l’étude des lettres se rapportant à la mémoire collective pour la troisième partie, « Memoria et politique »..

1148.

Une seule occurrence du mot memoria dans la Correspondance nous paraît évoquer ce sens d’une mémoire collective négative, mais elle ne concerne pas Rome. Cicéron, gouverneur de Cilicie, raconte le 19 décembre 51 sa campagne contre les Eleuthérociliciens, notoirement connus pour leur bellicisme (Att. V, 20, 5 ; lettre 228) :

Nos ad Pindenissum, quod oppidum munitissimum Eleutherocilicium omnium memoria in armis fuit.

Je suis, quant à moi, devant Pindénissus, place très forte des Eleuthérociliciens, qui a toujours été du plus loin qu’on se souvienne, en état de guerre.

La mémoire historique retient donc leur agressivité proverbiale, qui se traduit par le souvenir négatif de tout un groupe. Mais cet exemple reste isolé dans la correspondance, qui s’attache avant tout à des individus, dans le registre de la memoria.

1149.

C’est ainsi que, sous le règne de Tibère, Cremutius Cordus désignait Brutus et Cassius, comme le rappelle C. Moatti, La raison de Rome…, p. 53.