2. Le salut de Cicéron et de la République

Cette conception clairement définie à propos de Flaccus, Cicéron se l’applique bien évidemment à lui-même, dans une double perspective : se préserver soi-même des risques bien réels — la suite le prouvera — que lui fait courir son intervention contre Catilina, mais aussi sauver Rome de la destruction générée par la discorde et par la perte d’une mémoire collective qui, tant qu’elle existe, l’oblige à rester Rome, en fondant son avenir sur ses racines passées 1154 . A ce titre, nous pouvons considérer, en prolongeant l’analogie observée dans le Pro Flacco, que la memoria collective conditionne l’éternité de Rome, au même titre que la memoria individuelle garantit l’immortalité de l’âme. Deux actions oratoires rendent particulièrement compte de cette stratégie : les Catilinaires et le Pro Sestio.

Notes
1154.

C’est bien l’usage de l’exemplum défini par J.-M. David, « Maiorum exempla sequi : l’exemplum historique dans les discours judiciaires de Cicéron », MEFRM 92, 1, 1980, 67-86, p. 72-73 : « … à chaque exemplum, l’orateur tire de la mémoire de son public une série d’unités sémantiques, des sortes de socio-sèmes, qui constituent le souvenir collectif d’un homme ou d’un événement… la mémoire du passé était, pour le peuple romain, largement faite d’images visuelles : imagines des morts, statues et autres représentations plastiques, processions triomphales, inscriptions, rituels des événements politiques, etc. L’évocation que l’exemplum développe est donc pour l’essentiel composée de ces scènes qui, vécues ou transmises, constituent en fait, une bonne partie des matériaux de l’imaginaire collectif. » ; l’exemplum vise donc à perpétuer la tradition, le mos maiorum.