Historiographie et méthodologie.

Avant de consacrer mes recherches à la cartographie topographique des Alpes françaises, ma découverte des problématiques les plus récentes de l’histoire de la cartographie s’était faite en dilettante à travers la lecture de deux livres très différents, mais parcourus par la même volonté d’appréhender la carte dans une perspective historique plus large que sa simple conception comme un document géographique représentant une partie de la surface terrestre. Des Chiffres et des cartes, le livre de Gilles Palsky sur la cartographie thématique française au 19e siècle13, m’initia par son introduction remarquablement synthétique et stimulante aux travaux des fondateurs de la « nouvelle » histoire de la cartographie14, David Woodward et Brian Harley. L’Empire des cartes 15 , le livre de réflexion méthodologique de Christian Jacob, me montra, à travers son cheminement empirique dans l’étude d’un choix de cartes, la possibilité d’une approche globale et pluridisciplinaire de l’histoire de la cartographie que je tentai plus tard de faire mienne – avec les inévitables adaptations aux sources disponibles et une orientation plus marquée vers l’histoire des sciences et des techniques. L’étude détaillée de l’historiographie de ce champ de recherche m’avait en effet convaincu de la pertinence et de l’efficacité d’une telle approche, que Christian Jacob définissait lui-même comme l’étude « quasi-anthropologique de corpus de cartes bien définis, précisément ancrés dans l’espace, le temps et le contexte culturel »16. C’est donc dans cette perspective que j’ai abordé l’histoire de la cartographie topographique des Alpes françaises au 19e et 20e siècle, le corpus de cartes étant défini par la région géographique et la période concernées, un choix se justifiant à la fois par une affinité régionale et par le rôle crucial que joua la représentation des Alpes du nord dans l’évolution technique de la cartographie topographique en France. Les spécificités de la production cartographique contemporaine, en particulier la production en série, m’encouragèrent à adopter des méthodes d’analyse sérielle beaucoup plus poussées que dans la tradition cartobibliographique, avec notamment la conception d’une base de données dont l’exploitation statistique globale a permis une périodisation pertinente du sujet de mon étude.

Notes
13.

PALSKY Gilles. Des Chiffres et des Cartes, naissance et développement de la cartographie quantitative française au XIXe siècle. Paris : CTHS, 1996, 333 p.

14.

Je place le qualificatif nouvelle entre guillemets parce que l’appellation de « nouvelle » histoire de la cartographie ne désigne pas une école historique bien structurée et définie autour d’une approche théorique commune, comme a pu l’être l’école des Annales, bien que l’expression ait été employée par de nombreux chercheurs, notamment Christian Jacob qui employait lui aussi les guillemets de circonstance (voir infra, « Historiographie… », 1.3.5).

15.

JACOB Christian. L’Empire des Cartes. Op. cit.

16.

JACOB Christian. Toward a cultural history of cartography. Op. cit., p. 198.