1.1.3. L’influence d’une géographie institutionnalisée.

Au 19e siècle, l’institutionnalisation de la géographie favorisa l’intensification de l’intérêt pour les cartes anciennes. Les sociétés de géographie23, avec leurs journaux et leurs collections de cartes, formaient un cadre particulièrement adapté à l’étude des cartes anciennes, même si celle-ci ne fut jamais considérée comme une préoccupation majeure. Le développement des sections spécialisées des grandes bibliothèques joua également un rôle notable24. Si leur objet principal restait de permettre l’étude comparative et détaillée des cartes géographiques pour la résolution de litiges politiques, diplomatiques ou historiques, ces départements devinrent rapidement le centre de travaux sur l’histoire de la cartographie, que les conservateurs eux-mêmes étaient encouragés à mener. Parallèlement, le marché des antiquités et les collections privées ne cessaient de se développer, avec des tendances plus ou moins érudites ou commerciales.

Toutes les ressources nécessaires à une histoire de la cartographie étaient ainsi réunies, mais elle ne se faisait toujours pas de façon indépendante : elle continuait à servir une histoire de la géographie conçue principalement comme une histoire des découvertes et explorations géographiques, ou à favoriser le seul objectif d’accroissement des collections. Cependant, les thèmes abordés et les méthodes employées constituèrent une partie importante de l’héritage intellectuel sur lequel se constitua un champ de recherche indépendant au début du 20e siècle. En particulier, la méthode biobibliographique connut une certaine formalisation. Les monographies d’études de cartes anciennes ou les essais introduisant les atlas de fac-similés étaient presque toujours formés de listes de cartes, souvent complétées par des biographies. Mais des principes d’analyse et de classification spécifiques aux documents cartographiques furent mis au point, notamment dans les travaux d’Herbert Fordham qui inventa le terme de cartobibliographie 25 pour désigner cette pratique qui forma le socle méthodologique de l’histoire classique de la cartographie.

Notes
23.

La Société de Géographie de Paris fut créée en 1821, la Gesellschaft für Erdkunde de Berlin en 1828, la Royal Society of London en 1830 – pour ne citer que les trois premières.

24.

La Collection géographique spéciale, qui devint le Département des Cartes et Plans, fut créée en 1828 à Paris, sous la direction de Jomard, le Department of Maps and Charts du British Museum en 1867, le Hall of Maps and Charts, qui devint la Geography and Map Division, en 1897 à la Library of Congress de Washington.

25.

FORDHAM Herbert George. Studies in carto-bibliography, British and French, and in the bibliography of itineraries and road-books. Oxford : Clarendon Press, 1914, 180 p.