1.2.3. Des méthodes traditionnelles peu formalisées.

Malgré la structuration de la discipline et son intégration dans les organisations cartographiques, les méthodes employées en histoire de la cartographie n’avaient jamais été clairement définies ni étudiées. Les chercheurs et les spécialistes réalisaient le plus souvent des cartobibliographies, héritage direct de la méthode traditionnelle des érudits et des collectionneurs des 18e et 19e siècles, parfois enrichies par des analyses des cartes qui consistaient généralement en des descriptions détaillées et des évaluations de leur contenu, reposant sur un modèle purement géographique et topographique visant à critiquer l’exactitude des documents analysés. Cette tradition d’études érudites avait été entièrement reprise par l’œuvre fondatrice de Bagrow, qui s’apparentait bien plus à un vaste catalogue de cartes classées chronologiquement et thématiquement – parfois rapidement analysées – qu’à une véritable approche problématique de l’histoire de la cartographie ou à une réflexion méthodologique sur ce champ de recherche.

Il est singulièrement révélateur de l’état d’esprit de cette recherche basée sur une critique référentielle des cartes étudiées, qu’au début des années soixante, quand certains historiens de la cartographie commencèrent à s’intéresser aux problèmes théoriques posés par leur discipline, au début des années soixante, ils se focalisèrent d’abord sur les problèmes d’estimation du contenu des cartes comme enregistrement documentaire39. Le questionnement et le renouvellement plus profonds des méthodes de l’histoire de la cartographie ne furent menés qu’à partir de la fin des années soixante sous l’influence de disciplines émergentes comme la sémiologie, les sciences cognitives et l’histoire des sciences, mais aussi de la cartographie elle-même, dans un mouvement analogue – toutes proportions gardées – au renouvellement de l’histoire à la fin des années vingt sous l’impulsion de son ouverture aux autres sciences humaines.

Notes
39.

En particulier, la Conference on the History of Cartography de Londres en septembre 1967 portait sur le thème « Early maps as historical evidence ». Plusieurs communications furent publiées dans : Imago Mundi. Berlin : [sn], 1968, 22.