2. Orientations théoriques et méthodologiques.

Christian Jacob définissait sa conception d’une histoire culturelle de la cartographie comme l’étude « quasi-anthropologique de corpus de cartes bien définis, précisément ancrés dans l’espace, le temps et le contexte culturel »103, une approche particulièrement adaptée à mon sujet avant tout défini par la zone géographique (les Alpes du nord) et par la période chronologique (les 19e et 20e siècles) du corpus de cartes que je comptais constituer pour analyser l’évolution de la cartographie topographique « scientifique » de la haute montagne en France. L’approche pluridisciplinaire dans laquelle Christian Jacob envisageait une telle étude s’accordait avec mon ambition de traiter la cartographie alpine dans son ensemble, sans me limiter au seul aspect politique, socioculturel ou technique de son évolution. Mais il m’apparut rapidement que, compte tenu des sources disponibles, je ne pourrais pas mener avec la même richesse de développement les quatre « niveaux » d’analyse qu’il décrivait dans son article « Toward a cultural history of cartography »104. Cependant, l’approche pluridisciplinaire a l’avantage d’une souplesse qui permet de l’adapter à la fois à la documentation historique et à la fois aux problématiques spécifiques au sujet abordé. D’un côté, l’accélération de l’évolution technique de la cartographie depuis le 19e siècle demandait de privilégier une approche d’histoire des techniques qui reste encore sous-utilisée en histoire de la cartographie. D’un autre côté, l’histoire institutionnelle et socioculturelle était limitée par les sources accessibles, même si certains documents permettaient une approche indirecte qui fut exploitée le plus souvent possible, et l’étude des problèmes de la réception et de l’utilisation de la carte était fortement compliquée par les difficultés inhérentes à toute histoire des pratiques de lecture, même si là encore certaines sources indirectes permirent la formulation de quelques hypothèses. Enfin, l’importance de mon corpus de cartes et les conditions particulières de l’industrialisation de la production cartographique aux 19e et 20e siècles nécessitaient d’envisager une exploitation sérielle beaucoup plus poussée que la traditionnelle approche cartobibliographique, ce que j’ai réalisé par la conception d’une base de données informatisée relativement complexe permettant de multiples traitements différents des informations qu’elle contient.

Notes
103.

Ibid., p. 198.

104.

Voir supra, « Historiographie… », 1.3.5.