2.1.4. Le type de cartes.

Une fois déterminées la période et la région couvertes par mon corpus, il restait à définir précisément le type de cartes qu’il devait comprendre. La catégorie des cartes topographiques à laquelle je m’intéressais avait connu des acceptions variées selon les époques et les usages qui ne facilitaient pas une définition précise et stricte des cartes à intégrer dans mon corpus. Mon questionnement principal portant sur la représentation cartographique « scientifique » du relief, c’est-à-dire à partir de mesures instrumentales du terrain, les cartes concernées auraient dû avoir comme caractéristiques principales d’être dressées à partir de levés directs. Cette catégorisation se révélait pourtant trop rigide parce qu’elle excluait des cartes importantes dans l’évolution de la représentation détaillée du relief qui avaient été réalisées à partir de données indirectes, provenant parfois de triangulations exécutées pour d’autres réalisations cartographiques, parfois directement d’autres cartes. La définition des cartes topographiques par une fourchette d’échelles n’était pas non plus suffisamment pertinente, puisque les échelles considérées comme topographiques variaient selon les époques.

Devant l’impossibilité de définir les caractéristiques précises déterminant la nature topographique d’une carte, je décidai d’adopter une définition plus souple qui prenait en compte l’époque considérée : seraient incluses dans mon corpus toutes les cartes majoritairement perçues comme topographiques dans le contexte de leur publication. Jusqu’à la fin du 19e siècle, cette définition recouvrait la carte d’état-major au 1 : 80 000 et des cartes d’auteurs indépendants jusqu’à l’échelle du 1 : 100 000110. Pour le 20e siècle, elle comprenait essentiellement les cartes à une échelle supérieure au 1 : 60 000. Les cartes dérivées, c’est-à-dire dressées à partir d’autres cartes, ne furent intégrées au corpus que si elles apportaient des données supplémentaires importantes pour l’usage contemporain des cartes topographiques, par exemple les itinéraires d’alpinisme, ou si elles s’inséraient dans des séries importantes, comme les cartes publiées par l’Army map service américain pendant la deuxième guerre mondiale. Les plans industriels, à une échelle généralement supérieure au 1 : 10 000, ne furent pas retenus parce qu’ils formaient, dans la conception même des contemporains, une catégorie différente de cartographie. Les cartes géologiques ou hydrographiques furent également rejetées parce qu’elles présentaient des caractéristiques dépassant de loin la simple spécialisation. Enfin, si certaines cartes-esquisses furent intégrées au corpus parce qu’elles avaient eu une influence importante liée à la couverture d’une région encore peu cartographiée ou parce qu’elles avaient été dressées à partir de levés directs même simples, les cartes-croquis très localisées qui se multiplièrent avec le développement des topo-guides ne furent pas incorporées, principalement parce que leur représentation schématique du relief sortait du cadre d’une topographie « scientifique ».

Notes
110.

Quelques rares cartes à des échelles inférieures ont été intégrées au corpus pour leur intérêt historique dans la formation d’une cartographie indépendante (voir infra, partie 2, chapitre 2.1).