2.3.1. Une analyse quantitative signifiante.

Le recours à l’analyse quantitative en histoire n’a de sens que quand elle apporte des réponses à des questionnements qui échappent à l’analyse qualitative – c’est-à-dire quand elle est autre chose qu’un simple « vernis statistique » apportant une illusoire rationalité mathématique à l’analyse historique. Dans le cadre de mon étude, la pertinence d’une approche sérielle était justifiée par l’essor des problématiques industrielles au sein du service officiel et le développement d’une véritable production en série, dans laquelle plusieurs centaines ou milliers de feuilles étaient publiées dans le cadre d’une même carte – représentant plusieurs dizaines de documents pour la seule région des Alpes du nord. L’étude d’une telle production nécessitait une analyse globale afin d’en souligner les caractéristiques et les temporalités. Cette analyse constitue le premier niveau de l’approche sérielle, qui me servit notamment à définir une périodisation précise de l’évolution de la cartographie topographique des Alpes françaises120, mais aussi à mettre en relief certaines particularités de cette évolution et en particulier les changements dans la représentation du relief. Ce niveau se doublait d’études qualitatives ponctuelles sur des feuilles ou des documents topographiques particulièrement intéressants ou représentatifs de l’évolution cartographique.

Le deuxième niveau est constitué par des analyses quantitatives plus sectorielles, concentrées sur des variables, des périodes ou des producteurs cartographiques particuliers, dont l’objectif principal est de répondre à des questionnements que les limitations de certaines sources ne me permettent pas d’aborder autrement. L’impossibilité de réaliser une véritable prosopographie – autre forme d’analyse quantitative – ou les problèmes spécifiques à l’étude des utilisations de la carte m’ont poussé par exemple à adopter des stratégies détournées et à exploiter certaines données des sources sérielles, comme les noms d’opérateurs indiqués sur les minutes de levé ou le contenu de l’habillage des cartes elles-mêmes. La richesse des sources sérielles dont je disposais m’a ainsi permis une multitude de « détournements » méthodologiques pour émettre des hypothèses sur des questions pour l’étude desquelles je n’avais pas de sources directes.

Notes
120.

Voir infra, « Historiographie… », 3.