1.1.3.2. Le projet de la carte de France de Cassini.

Le projet d’une carte générale de la France à grande échelle n’était pas pour autant abandonné. La légende officielle veut que l’idée ait (re-)jailli chez Louis XV lorsque Cassini de Thury lui présenta une carte des Flandres exécutée en 1746 et 1747 lors d’une campagne militaire, à partir de travaux de triangulation visant à raccorder la chaîne de Snellius au réseau français. Le Roi aurait dit à Cassini : « Je veux que la carte de mon royaume soit levée de même, je vous en charge, prévenez M. de Machault » – alors contrôleur général des Finances174.

Plus que d’un caprice royal ou de l’ambition du seul Cassini de Thury, il s’agissait en fait d’une reprise du projet ancien de Picard et Colbert, qui avait aboutit à la Description géométrique de la France après de nouvelles impulsions données par Cassini II en 1700 et par Orry en 1730175. Comme dans le programme d’Orry, le projet de carte présenté par Cassini était rattaché aux projets de rénovation du réseau routier, puisqu’il avait été placé sous la protection de l’intendant général Charles-Daniel Trudaine (1703-1769)176, fondateur en 1747 du Bureau des dessinateurs dont la mission était de lever et conserver les plans des grandes routes du royaume, puis en 1750 du corps des ingénieurs des ponts et chaussées. Cassini concevait lui-même la carte comme un outil de gouvernement et de développement économique. Son projet était donc principalement géométrique et toponymique : mesurer le royaume, suivre le cours des rivières, déterminer le nombre des villes, bourgs et villages177.

Le programme présenté par Cassini prévoyait la division de la carte en cent quatre-vingts feuilles, couvrant chacune une surface de vingt-cinq milles toises en hauteur sur quarante mille toises en largeur (environ cinquante kilomètres sur soixante-dix huit kilomètres), à la même échelle que la Carte particulière des environs de Paris, une ligne pour cent toises (environ 1 : 86 400). Pour assurer un rythme permettant la réalisation de dix feuilles par an, Cassini demandait vingt ingénieurs et un budget annuel de quarante mille livres, qui lui furent accordés largement au début.

Notes
174.

Cité (entre autre) par PELLETIER Monique. Science et cartographie au Siècle des lumières. Op. cit., p. 87.

175.

VAYSSIERE Bruno-Henri. « La » Carte de France. Op. cit., p. 257.

176.

PELLETIER Monique. La carte de France. Op. cit., p. 91.

177.

Sur la carte de Cassini, outre les ouvrages déjà cités, voir PELLETIER Monique. La Carte de Cassini : l’extraordinaire aventure de la Carte de France. Paris : Presse de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées, 1990, 263 p.