1.1.3.3. Les travaux de la carte.

Après le recrutement et la formation des premiers ingénieurs civils – qui furent parfois qualifiés d’ingénieurs de Cassini, les levés débutèrent en 1750. Les travaux étaient basés sur une collaboration locale avec les notables, principalement les curés. Les repérages et mesures du terrain s’effectuaient à partir des clochers. La position géométrique des objets susceptibles d’être situés sur la carte était calculée, mais la représentation topographique du terrain lui-même importait peu : les ingénieurs étaient chargés de « dessiner [le soir] à peu près les hauteurs, les vallons, le contour des bois, la direction des chemins, le cours des rivières, la nature du terrein », « sur l’idée qu’ils avoient prise de la situation du terrain » pendant la journée d’observation178. Les altitudes n’étaient définies par aucun nivellement, seule importait la position géographique dans les deux dimensions de la surface terrestre, latitude et longitude. Le relief était représenté par des hachures longues suivant les lignes de pente : cette méthode (parfois ombrées par un estompage) fut appelée la deuxième manière de l’orographie – la première manière étant la représentation perspective179.

La planimétrie était volontairement limitée aux grandes routes, ignorant le réseau secondaire de chemins de terre qui était soumis à trop de variations dans le temps. Ce choix fut critiqué dès la publication des premières feuilles, mais Cassini voulait avant tout obtenir une carte stable, une représentation géométrique du territoire dont la publication était accompagnée de tables de distances servant d’outils de référence à d’autres travaux. Pour Monique Pelletier, « la Carte de Cassini [était] d’abord le développement du canevas géométrique. La topographie [restait] l’apanage des militaires »180. Les travaux étaient vérifiés par des ingénieurs vérificateurs et par le seigneur ou le curé représentant les habitants du territoire levé. Les feuilles étaient gravées sur cuivre à l’eau-forte181, mais Cassini trouva difficilement de bons graveurs spécialisés, le prix des cartes géographiques n’étant pas intéressant par rapport au travail qu’elles demandaient.

Notes
178.

Cité par PELLETIER Monique. La Carte de France. Op. cit., p. 92.

179.

Voir infra, partie 1, chapitre 1.2.1.

180.

Ibid., p. 93.

181.

A cette époque, les feuilles étaient gravées sur des plaques de cuivre. Le graveur reproduisait le dessin aussi fidèlement que possible, par les procédés de l’eau forte ou du burin, mais pour pouvoir effectuer le plus de tirage possible, les éditeurs cherchaient une gravure entamant fortement le métal et nuisant aux détails, dont les cartes étaient alors peu chargées.

CUENIN René. Evolution des techniques cartographiques. Bulletin d’information de l’Institut Géographique National, 25 mars 1974, 25, p. 25-31.

Pour une présentation plus détaillée des procédés de reproduction, voir infra partie 1, chapitre 3.3.3, et partie 2, chapitre 3.1.3.