1.2.3.2. La Carte géométrique du Haut-Dauphiné, première utilisation des lignes de plus grande pente.

Dans la deuxième moitié du 18e siècle, l’emploi de la perspective cavalière fut de plus en plus limité aux zones les plus déclives des terrains représentés, au profit d’une représentation du relief en projection horizontale par de longues hachures dirigées selon les lignes de plus grande pente – ce qui fut appelé par les historiens de la cartographie la deuxième manière de l’orographie.

La Carte géométrique du Haut-Dauphiné et du Comté de Nice est généralement présentée comme la principale œuvre de transition dans la représentation du relief. Basée sur une triangulation générale appuyée sur le canevas géométrique des Cassini, elle fut levée entre 1749 et 1754 à l’échelle classique pour les levés de places fortes de six lignes pour cent toises (environ 1 : 14 400), sous la direction du maréchal de camp de Bourcet (1700-1780)203. Dressée à l’échelle d’une ligne pour cent toises (environ 1 : 86 400) par Villaret, capitaine ingénieur géographe du Roi, la carte du Haut-Dauphiné fut gravée sur cuivre en six feuilles en 1758 par Guillaume de La Haye, reconnu comme l’un des meilleurs graveurs du 18e siècle. Son apparence générale et sa finesse illustrent l’importance du graveur dans la qualité finale de la carte. En 1763, elle fut complétée par trois feuilles du Comté de Nice et de la vallée de Barcelonnette, levées pendant la campagne de 1748 contre l’Autriche, toujours dessinées par Villaret et gravées par de la Haye.

Pour la première fois, le relief était représenté en projection horizontale avec des hachures suivant les lignes de plus grande pente, sauf dans les régions les plus hautes qui étaient encore traitées en perspective cavalière, mais avec un point de vue plus élevé et un effet de perspective moins oblique204. La représentation du relief était encore essentiellement l’œuvre « de sentiment » du dessinateur, mais sa qualité ainsi que celle de la gravure la rendaient plus expressive que celle de la carte de Cassini. L’expressivité du relief était encore plus remarquable dans la Carte de Dauphiné et de Provence (1777-1778), restée manuscrite, qui avait été dressée à l’échelle du levé de six lignes pour cent toises (environ 1 : 14 400) par d’Arçon, chargé de continuer la carte de Bourcet : les pentes y étaient exprimées par la densité des hachures, le modelé par leur mouvement, et les zones rocheuses représentées en demi-perspective. Œuvres de transition au niveau de la représentation du relief, ces cartes marquaient aussi et surtout la première conjonction vraiment significative des préoccupations géodésiques et topographiques en cartographie, c’est-à-dire la naissance de la cartographie topographique au sens moderne du terme.

Notes
203.

PELLETIER Monique. La Carte de Cassini. Op. cit., p. 86-87.

204.

L’est de la sixième feuille et le nord de la neuvième feuille.