1.2.3.3. La généralisation de la représentation du relief par les lignes de plus grande pente.

Au cours de la deuxième moitié du 18e siècle, l’emploi des lignes de plus grande pente pour représenter le relief se généralisa rapidement. La carte de France de Cassini en faisait une utilisation purement figurative, puisqu’elle n’était pas basée sur un levé direct du terrain. Ce furent surtout les cartes des ingénieurs géographes qui développèrent et formalisèrent la méthode. La Carte de la frontière du Jura, de Pontarlier à Fort-L’Ecluse, levée sous la direction du major d’Arçon en 1779 et restée manuscrite à l’échelle de six lignes pour cent toises (environ 1 : 14 400), reprenait à peu près la même représentation du relief que la Carte de Dauphiné et de Provence 205 .

Bien que ne concernant pas des régions montagneuses, les cartes de chasses dressées par les ingénieurs géographes pour le Roi jouèrent un rôle important dans la formalisation des méthodes de la topographie militaire, notamment dans la représentation du relief. La Carte topographique des environs de Rambouillet et de St-Hubert, publiée en 1765 en deux feuilles à l’échelle de deux lignes pour cents toises (environ 1 : 43 200)206, représentait le relief en hachures longues et fines dans le sens de la pente, tout comme la Carte des chasses du Roi, considérée comme le chef-d’œuvre de la cartographie du 18e siècle207. La plupart des historiens y voient l’affirmation de la supériorité des ingénieurs géographes sur les ingénieurs civils de Cassini en matière de topographie, ce que Monique Pelletier soulignait déjà dans la réalisation de la Carte géométrique du Haut-Dauphiné et du Comté de Nice en écrivant « que les ingénieurs militaires [étaient] de meilleurs topographes que les cartographes civils qui n’[avaient] pas reçu la même formation »208.

A la fin du 18e siècle, l’emploi de hachures pour représenter le relief en projection horizontale se généralisa à la cartographie non topographique. La Carte générale du théâtre de la Guerre en Italie et dans les Alpes en est un parfait exemple. Dressée sous la direction de Bacler d’Albe, chef du bureau topographique de Bonaparte, pendant les campagnes d’Italie, et publiée en cinquante-six feuilles au 1 : 256 000 en 1801-1802, elle n’était topographique ni par son échelle, ni par sa méthode de réalisation puisqu’il s’agissait d’une carte de compilation. Mais elle représentait les Alpes d’une façon claire, sans aucune perspective cavalière, en utilisant un rehaut oblique obtenu par application de hachures croisées. Il s’agit de la dernière carte de montagne publiée en France avant la Commission de Topographie de 1802, et elle fut donc souvent comparée avec la carte de Raymond dressée dans les règles établies par la Commission209.

Notes
205.

GRISEL Denis. Le Jura au XVIIIe siècle à travers la cartographie militaire. In VILLELE Marie-Anne (de) dir., BEYLOT Agnès dir., MORGAT Alain dir. Du Paysage à la carte, trois siècles de cartographie militaire de la France. Vincennes : Ministère de la Défense – Services Historiques des Armée, 2002, p. 96-105.

206.

Cette carte avait été levée et dressée en 1764 à l’échelle de douze lignes pour cent toises (environ 1 : 7 200), sous la direction de Berthier, suite au souhait de Louis XV de disposer d’une carte détaillée de cette région de chasse. Elle fut gravée par Guillaume de La Haye.

207.

Extension de la carte des environs de Rambouillet, elle fut levée entre 1764 et 1773 à l’échelle de six lignes pour cent toises (environ 1 : 14 400), sous la direction de l’ingénieur géographe Berthier. Les opérations de levé servirent de formation aux nouveaux ingénieurs géographes. La gravure commença en 1784 à l’échelle de trois lignes pour cent toises (environ 1 : 28 800), mais fut interrompue en 1792 alors que seules cinq planches étaient terminées. Reprise sous le Consulat et achevée en 1807 sous le titre de Carte des chasses impériales, elle reste plus connue sous le nom de Carte des chasses du Roi ou Carte topographique des environs de Versailles.

208.

PELLETIER Monique. La Carte de Cassini. Op. cit., p. 87.

209.

Voir infra, partie 1, chapitre 1.3.