1.3.1.3. L’adoption d’un nouveau système de projection pour une base géométrique plus solide.

Les guerres de la Révolution et de l’Empire nécessitèrent la réalisation de cartes topographiques couvrant de vastes étendues à l’est des frontières françaises, ce qui posa le problème du système de projection utilisé par le Dépôt de la guerre qui n’en avait pas défini de propre par rapport à celui adopté pour la carte de Cassini. Deux types de projection étaient alors utilisés en cartographie : les projections dites équivalentes, qui conservaient les distances et les surfaces, et les projections dites conformes, qui conservaient les angles214.

Ce ne fut pas la Commission de topographie elle-même qui décida de l’adoption d’une nouvelle projection pour les cartes réalisées par le Dépôt de la guerre, mais une commission spécifique formée en janvier 1803 et réunissant entre autres le général Sanson et le mathématicien Lacroix. Cette commission décida de réserver les systèmes conformes aux cartes maritimes, qui les utilisaient déjà depuis longtemps puisque la conservation des angles, donc des directions, était essentielle pour la navigation. Pour les cartes terrestres, elle privilégia les systèmes équivalents, qui répondaient parfaitement aux besoins de l’administration en conservant les surfaces pour le cadastre et relativement bien aux besoins des militaires en conservant les distances. Elle adopta la projection de Flamsteed modifiée, étudiée en 1752 par le chevalier Bonne, ingénieur hydrographe215, sur la base de la projection de Flamsteed216, « dont l’usage était déjà répandu en France dans les cartes à petite échelle »217.

L’ingénieur géographe Plessis détermina les coordonnées des intersections de méridiens et parallèles dans le système de Bonne, d’après les résultats des mesures de Delambre et Méchain, d’une part, et de Bouguer, d’autre part. Calculée sur ces bases, la projection de Flamsteed modifiée fut nommée projection du Dépôt de la guerre et appliquée à partir de 1803 à toutes les cartes topographiques jusqu’à la fin du 19e siècle218. Bien que prise à l’extérieur de la Commission de 1802, cette mesure participait pleinement à la rationalisation de la production cartographique qui motivaient ses travaux.

Notes
214.

Il est impossible de concevoir un système de projection d’une surface sphérique sur un plan qui conserve, c’est-à-dire qui ne modifie pas, à la fois les distances, les surfaces et les angles.

215.

Et père de l’ingénieur géographe dont il sera question plus loin.

216.

La projection de Flamsteed développait le méridien principal et tous les parallèles en ligne droite. La modification de Bonne consistait « à représenter les parallèles par des cercles concentriques ayant leur centre commun sur le méridien central, situé de telle sorte que le parallèle moyen (45°) ait pour rayon la longueur de la tangente à l’ellipse méridienne comprise entre ce parallèle et le prolongement de l’axe de la terre. Les méridiens, tracés par points, ne sont pas des courbes régulières. Les longueurs sont respectées sur le méridien origine et sur les parallèles, et les surfaces sont conservées. Mais les angles sont d’autant plus altérés qu’on s’éloigne de l’origine, et ne sont plus droits, en général, entre parallèles et méridiens. » ALINHAC Georges. Cartographie ancienne et moderne. T.1. Op. cit., p. 96.

217.

BRET Patrice. Le Dépôt général de la Guerre et la formation scientifique des ingénieurs-géographes militaires en France (1789-1830). In HAL-SHS [en ligne]. Paris : CNRS – Centre pour la communication scientifique directe. Disponible sur : < http://halshs.ccsd.cnrs.fr/docs/00/02/59/01/PDF/Bret_formation_scientifique.pdf >. (Communication présentée le 2 août 1989 au XVIIIe Congrès International d’Histoire des Sciences à Hambourg, dans le cadre du symposium Mathematics and French Revolution : Decades of Change, organisé par I. Grattan-Guinness et J. Dhombres).

218.

Sur le changement de système de projection, voir infra, partie 3, chapitre 4.1.1.2.