Chapitre 2. Des savants aux militaires, une autorité cartographique en quête de légitimité.

Dans le domaine de la cartographie topographique, le 19e siècle fut marqué par la conception et la réalisation d’une nouvelle carte de France, véritablement topographique, à l’échelle du 1 : 80 000 et basée sur une nouvelle triangulation du territoire national. Mutation majeure et œuvre colossale, elle s’inscrivait dans un contexte institutionnel sensiblement différent de celui du 18e siècle. L’opposition ancienne entre la cartographie militaire incarnée par les ingénieurs géographes et la cartographie civile dominée par les préoccupations scientifiques de l’Académie des sciences prit une forme nouvelle au sein d’un rapprochement qui se transforma en une véritable lutte d’influence pour la définition des spécifications de la nouvelle carte. Les besoins cartographiques considérables de l’Empire avaient favorisé l’organisation et la professionnalisation du corps des ingénieurs géographes, mais celui-ci se trouvait toujours confronté à des problèmes de légitimité face au corps plus important du Génie et à une administration qui ne reconnaissait pas la spécificité du travail cartographique. Le Dépôt de la guerre lui-même avait connu un développement important, mais, malgré quelques tentatives sporadiques, il n’arrivait pas à imposer l’autonomie du travail cartographique et éprouvait des difficultés à conserver les allocations budgétaires nécessaires à l’avancée de la carte de France.