En 1816, le colonel Brossier, aidé du commandant Denaix, rédigea un troisième projet à l’intention du nouveau directeur du Dépôt de la guerre, le comte d’Ecquevilly242. Selon moi, plus que d’un programme détaillé, il s’agissait d’un plaidoyer pour la nécessité d’une nouvelle carte de France, reprenant les critiques traditionnelles faites à la carte de Cassini et la position des scientifiques qui voulaient réaliser une nouvelle triangulation de la France à partir de la méridienne de Dunkerque. Sa principale originalité était d’intégrer des idées déjà formulées par l’administration pendant la Révolution, en envisageant le travail sous une forme nouvelle de collaboration avec les levés du cadastre. Pour la première fois surtout, il énonçait l’idée d’une organisation centralisée au sein d’une direction qui réunirait tous les organismes cartographiques. Il proposait ainsi une exécution rationalisée, donc moins coûteuse, et défendait la nécessité de la nouvelle carte en l’inscrivant dans un plus large spectre de besoins.
Cette conciliation des propositions faites par les différentes sphères intéressées assura le succès rapide du projet. Il reçut un soutien naturel des militaires : le capitaine Lapie, chef du cabinet topographique particulier du Roi, appuya la communication d’un rapport résumé au ministre de la Guerre le 14 octobre 1816. Illustre représentant des scientifiques, Laplace soutint à son tour le projet en prononçant un discours en faveur de la réalisation de la nouvelle triangulation devant la Chambre de Paris, le 21 mars 1817 : dans son élocution, il regrettait que le cadastre n’ait pas été basé sur un tel travail et demandait la formation d’une commission afin d’éclairer le gouvernement243. L’administration manifesta également son vif intérêt : une ordonnance royale du 11 juin 1817 prescrivit la formation d’une commission sur le projet d’une nouvelle carte de France.
Mais la conjonction des besoins exprimés à travers ces soutiens ne dura que le temps de l’acceptation de principe du projet, suivie rapidement par une véritable lutte d’influence entre militaires, scientifiques et administrations pour la définition des spécifications de la nouvelle carte de France.
Publié in extenso dans BERTHAUT Colonel. La Carte de France. T.1. Op. cit., p. 175-183.
Discours reproduit dans Ibid., p. 184-185.