2.1.3.3. La remise en cause de l’échelle des levés.

Sur la question de l’échelle de gravure se greffa rapidement celle de l’échelle des levés. Jusqu’en 1820, la Commission royale et le Comité du Dépôt de la guerre restèrent tous deux attachés à l’échelle du 1 : 10 000. Les premiers essais montraient une certaine lenteur, mais la collaboration avec l’administration du cadastre était longue à mettre en place et aucun levé à partir de réduction des levés cadastraux n’avait encore été effectué.

A la fin de 1820, comme aucun document n’avait encore été fourni par le cadastre, la question du maintien des levés au 1 : 10 000 se posa. Là encore, les intérêts militaires et scientifiques s’opposèrent. Le général Guilleminot, directeur du Dépôt de la guerre depuis 1818, présenta au Comité un rapport qui proposait de multiplier les échelles. Les travaux précédents (Départements réunis, Savoie, Italie) avaient montré que le 1 : 20 000 suffisait dans la plupart des cas. Il pouvait être complété de façon exceptionnelle par le 1 : 10 000 pour les places fortes ou les grandes villes, et par le 1 : 40 000 pour les régions peu peuplées, incultes ou inaccessibles.

La proposition d’employer différentes échelles selon le terrain fut à l’origine d’une véritable controverse. Louis Puissant, l’ingénieur géographe sans doute le plus concerné par les questions d’ordre scientifique248 – il fut élu à l’Académie des sciences au siège de Laplace en 1828 –, s’y opposa fortement. D’après son expérience, il estimait que les levés au 1 : 10 000 ou au 1 : 20 000 mettaient pratiquement le même temps (pour les Départements Unis, un rapport de 5 à 7), alors que la détermination de l’intérêt des terrains et la réunion de minutes rédigées à des échelles différentes poseraient d’importants problèmes. Assez curieusement, le colonel Bonne soutint cette position en affirmant comme la Commission royale que les levés de la Carte devaient être considérés comme le véritable cadastre d’ensemble, si bien que les coûts des deux entreprises une fois reliés paraissaient moins lourds.

Notes
248.

Il rédigea plusieurs traités de géodésie, ainsi que deux tomes du Mémorial du Dépôt général de la Guerre consacrés à la nouvelle triangulation : PUISSANT Louis. Mémorial du Dépôt de la Guerre. T.VI-VII. Nouvelle description géométrique de la France. Paris : C. Piquet, 1832-1840.