2.2.3. La Restauration et la fusion avec les officiers d’état-major.

2.2.3.1. La légitimité des ingénieurs géographes en temps de paix.

Au début de la Restauration, le Dépôt de la guerre connut une période de grande désorganisation. Le personnel civil était en grande partie licencié. Le matériel et les documents avaient été dispersés ou cachés, alors même qu’en application des traités, les alliés réclamaient la restitution des cartes prises dans leur pays ainsi que les travaux exécutés par les ingénieurs géographes sur leur territoire. Le problème de l’emploi de ces derniers en temps de paix n’était pas nouveau, puisqu’il s’était déjà posé en 1763 à la fin de la guerre de Sept Ans, mais il était particulièrement aigu en 1814. L’étendue des travaux effectués pendant la période impériale avait en effet nécessité l’emploi d’effectifs sans précédent. Quant Bacler d’Albe reprit le projet d’une nouvelle carte de France en 1814, il proposait d’accélérer les décisions pour profiter de la disponibilité des ingénieurs.

Après le retour de Louis XVIII au pouvoir, le projet d’une nouvelle carte de France rejoignit à nouveau le besoin de justifier l’existence du Dépôt de la guerre et de son corps d’ingénieurs géographes en période de paix. Malgré les travaux colossaux de copie du matériel cartographique que les traités de paix obligeaient l’Etat français à restituer et la reprise de cartes anciennes, comme la révision de la carte de Cassini ou l’extension de la carte des Chasses, une partie des ingénieurs risquait d’être licenciée. Repris en 1816-1817 principalement parce qu’il répondait à des besoins formulés depuis la fin du 18e siècle, le projet d’une nouvelle carte était à la fois nécessaire parce qu’il permettait l’emploi des ingénieurs surnuméraires et à la fois envisageable justement parce que ces ingénieurs étaient disponibles – le projet de Bonne avait par exemple été abandonné en 1808 parce que les ingénieurs géographes étaient employés ailleurs sur les théâtres européens.

Une fois le principe d’une nouvelle carte de France adopté en 1817, l’existence des ingénieurs géographes semblait pouvoir être définitivement légitimée en temps de paix par les travaux prévus sur le territoire français. Mais la création du corps d’état-major en 1818 changea profondément la situation.