2.2.3.2. Le remplacement par le corps « technicien » de l’état-major.

Sous l’Empire, les ingénieurs géographes s’étaient finalement imposés par leur expertise dans les travaux cartographiques. Mais en 1814, l’adaptation de leur corps aux temps de paix avait déjà entamé son hégémonie sur les opérations cartographies, en modifiant ses statuts afin de l’ouvrir à des officiers extérieurs. Ainsi, jusqu’à huit officiers d’état-major pouvaient être adjoints aux ingénieurs pour pallier aux besoins ponctuels. Bien qu’elle ne remît en cause ni la formation dispensée à l’école d’application des ingénieurs géographes, ni leur rôle central dans les travaux cartographiques, cette ouverture témoignait de la volonté ancienne des autorités militaires de confier une partie au moins de ces travaux à des officiers extérieurs.

La création du corps d’état-major le 6 mai 1818 marqua une nouvelle étape dans la généralisation de la collaboration entre les officiers d’état-major et les ingénieurs géographes. L’attachement et le soutien de l’administration militaire à ce nouveau corps s’illustrèrent notamment dans l’insistance du ministre de la Guerre à placer des officiers d’état-major dans les différentes commissions consacrées à la carte de France. Pour assurer la formation des officiers du nouveau corps, le Dépôt de la guerre dut créer un cours de géodésie et de topographie à l’école d’état-major. Pour la première fois, il était envisagé de former des officiers non spécialisés aux travaux cartographiques. Cette ouverture témoignait non seulement du refus des autorités militaires de considérer la cartographie comme un travail spécifique, mais aussi du développement des applications pratiques de la topographie dans les armées. Elle mettait en place un système dans lequel l’enseignement topographique entrait dans la formation générale des officiers, mais qui ne comprenait plus de corps spécialisés dans les travaux cartographiques. Malgré de nombreuses réformes, ce système posa des problèmes au service cartographique militaire jusqu’à la suppression du Service géographique de l’armée en 1940.

Définie par les travaux des diverses commissions, l’organisation des opérations de la carte de France prévoyait la participation de tous les officiers d’état-major. Encore une fois, le corps des ingénieurs géographes fut victime de son manque de visibilité face à un corps plus nombreux et mieux organisé. Puisqu’ils n’étaient plus les seuls susceptibles d’assurer ces travaux, le nombre d’ingénieurs géographes diminua régulièrement : de quatre-vingts trois en 1816, il passa à soixante-douze en 1822, puis à soixante-neuf en 1827. Les levés de la carte de France furent officiellement confiés à une nouvelle brigade spéciale permanente, constituée uniquement d’officiers d’état-major. Même si dans la pratique leurs compétences étaient très différentes, les ingénieurs géographes ayant depuis la réforme de Sanson une culture scientifique plus développée que les officiers d’état-major qui s’apparentaient en matière de cartographie à de simples techniciens, l’existence des deux corps était perçue par les autorités comme faisant double emploi. Par l’ordonnance du 22 février 1831, les deux corps étaient finalement fusionnés sous la direction du général Pelet, qui dirigeait le Dépôt de la guerre depuis 1830. Cette ordonnance marquait la suppression officielle définitive des ingénieurs géographes militaires.