2.3. Le Dépôt de la guerre jusqu’en 1870 : place de la cartographie topographique au sein des institutions militaires.

Le Dépôt de la guerre fut créé en 1688 par Louvois, dans le but de classer les documents relatifs à l’organisation des armées et à l’histoire des conflits. Dans le domaine cartographique, son objectif était de lutter contre la dispersion des plans trop souvent conservés dans les régiments pour lesquels ils avaient été effectués. Il ne s’agissait donc à l’origine que d’une simple mission de centralisation des travaux finis. Mais au cours du 18e siècle, la cartographie militaire se développa considérablement grâce aux travaux des ingénieurs géographes. En 1772, ces derniers furent placés avec le Dépôt de la guerre sous une direction unique et virent leurs attributions s’étendre à la réalisation de cartes topographiques générales. Même si le corps des ingénieurs géographes avait décliné après le retour à la paix en 1763, l’activité du Dépôt de la guerre était toujours partagée entre sa mission traditionnelle de recueil d’archives et d’études historiques et sa mission de circonstance de direction des travaux cartographiques militaires. Jusqu’à l’ordonnance de 1824 qui plaçait sous la seule responsabilité du Dépôt de la guerre la réalisation de la nouvelle triangulation et de la nouvelle carte de France278, l’évolution du Dépôt suivit les fortunes du corps des ingénieurs géographes et connut une période particulièrement difficile entre 1796 et 1801, alors que les ingénieurs géographes étaient massivement employés dans les bureaux topographiques des armées créés par le Cabinet topographique du Comité de salut public.

Comme le statut des ingénieurs géographes, la position du Dépôt de la guerre dépendait fortement de la reconnaissance institutionnelle des spécificités du travail cartographique. Si l’ordonnance de 1824 lui donnait un rôle central dans la cartographie nationale, elle n’en faisait pas un service cartographique unique et autonome comme l’avaient souhaité et le souhaitèrent encore par la suite certains de ses directeurs et officiers supérieurs. Bien au contraire, l’histoire du Dépôt de la guerre jusqu’en 1870 est marquée par le refus quasi-systématique des autorités de réunir dans un seul service tous les organismes s’occupant de topographie et d’accorder au Dépôt de la guerre une autonomie que ses directeurs jugeaient indispensables aux entreprises cartographiques. Les difficultés qu’éprouva sa direction à obtenir des crédits budgétaires réguliers pour la réalisation de la carte de France illustrent l’impossibilité des autorités à concevoir l’utilité et les spécificités du travail cartographique, en particulier ses temporalités forcément longues.

Notes
278.

Voir supra, partie 1, chapitre 2.1.3.