2.3.2.1. Les oppositions initiales à la carte de France.

Le projet d’une nouvelle carte de France avait été adopté au début de la Restauration, dans un relatif enthousiasme qui assura un soutien budgétaire facilement accordé dans les premières années des travaux. Un budget de cent mille francs fut ainsi alloué sans discussion pour les années 1818 et 1819. Il fut adopté également pour les années 1820 et 1821, malgré quelques propositions de réduction qui poussèrent la Chambre à surveiller davantage les progrès de la carte – pour laquelle aucun résultat tangible n’était encore disponible. Mais dès 1822, les discussions sur le budget de la carte se firent plus mouvementées. De nombreux députés s’élevèrent contre un projet coûteux dont ils ne voyaient pas la fin, ni même l’utilité. Ces oppositions montraient une méconnaissance profonde des caractéristiques du travail cartographique, en particulier des temporalités forcément longues de la réalisation d’une carte nationale à une échelle topographique, mais aussi la persistance d’une conception fixiste de la carte comme un tableau figé du territoire sans utilité pratique – à part pour les armées ennemies qui ne connaissaient pas aussi bien le territoire que les armées nationales. Le général Demarçay, qui fut le plus farouche opposant à la carte de France, jugeait ainsi que sa publication était « impolitique et nuisible » et que le gouvernement devrait l’abandonner, car « la dépense [était] sans objet »289. Plusieurs députés se prononcèrent d’ailleurs pour la cession de la carte à l’« intérêt particulier » comme il avait été fait pour la carte de Cassini. Cette opposition double se manifestait d’un côté par des critiques mal informées liées au retard très relatif pris par l’entreprise, seulement quatre ans après le début des travaux et alors que le projet initial ne pouvait pas s’appliquer à cause de la défection de la participation du cadastre, et d’un autre côté par une contestation de fond de l’utilité même de la carte de France. Mais les arguments qui avaient justifié son adoption en 1817 semblaient encore pertinents, et un budget réduit de quatre-vingt milles francs fut accordé pour les années 1822 et 1823.

Notes
289.

Cité par BERTHAUT Colonel. La Carte de France. T.1. Op. cit., p. 261.