2.3.2.3. L’acceptation finale de la carte.

A partir de la fin des années 1830, l’opinion générale de la Chambre se mit à changer au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Pelet avait réussi à faire reconnaître à la Chambre que « la carte de France ne devait pas se justifier par le produit de la vente des feuilles au profit du Trésor, mais par les services signalés qu’elle [avait] déjà rendus au pays ». Ainsi, le rapporteur du budget de 1838 soulignait que « la dépense à laquelle [pourvoyait] le crédit demandé [avait] un but d’utilité qui [justifiait] la constance que l’on [mettait] à terminer le grand et beau travail »290.

La carte était finalement acceptée par la Chambre, d’autant plus que les recettes de la vente des premières feuilles publiées atteignaient environ cent mille francs par an dès les années 1840. Cependant, la réorganisation profonde du Dépôt de la guerre en 1844-1845 compliqua la question du budget. Un fonds de cent neuf mille francs, réduits à quatre-vingt-treize mille francs à partir de 1850, était réservé au titre de la carte de France, mais la part réellement allouée à l’entreprise dépendait de l’urgence des autres travaux du Dépôt et des possibilités globales de son budget. A partir de 1845, ce dernier ne comprenait toutefois plus les traitements versés au personnel, qui dépendaient directement de l’administration centrale. La Chambre était régulièrement tentée de réduire le budget accordé à la carte de France, argumentant qu’avec l’avancement des travaux, les recettes de la vente de feuilles étaient susceptibles de couvrir une part toujours plus grande des frais. Mais les derniers travaux menés à partir de 1855 concernaient le sud-est et la Corse, des régions montagneuses difficiles à lever dont la gravure demandait beaucoup plus de temps et d’argent291.

Surtout, en raison de la longueur et de l’hétérogénéité des travaux, certains responsables du Dépôt de la guerre proposaient déjà de commencer la mise à jour de la carte à peine achevée. Selon eux, la révision régulière de la carte demanderait le maintien du budget alloué à sa réalisation. Mais la conception fixiste de la cartographie que partageait encore une majorité de dirigeants limita fortement l’ampleur des travaux de mise à jour et de révision jusqu’à ce que le choc de la défaite de 1870 ne provoque le début d’une remise en cause de cette conception292.

Notes
290.

Discours et rapport cité dans Ibid., p. 268-269.

291.

Pour comparaison : les planches de plaine les moins chères à graver coûtaient quatre mille sept cents francs ; le coût moyen de la gravure d’une feuille était de dix mille francs ; les planches de montagne comme Saint-Jean-de-Maurienne ou Briançon atteignaient plus de vingt-deux mille francs, dont vingt mille francs pour la montagne seule (voir infra, partie 1, chapitre 4.2.4).

292.

Voir infra, partie 2, chapitre 3.1.1.