Chapitre 3. Le relief dans la carte d’état-major : entre géométrisation et figuration, la persistance de la conception fixiste.

La carte de France au 1 : 80 000, appelée carte d’état-major parce qu’elle fut principalement levée par des officiers de ce corps, se situait dans l’héritage direct de la Commission de topographie de 1802293. Première carte générale véritablement topographique de la France, elle adoptait une représentation plus géométrique du relief, basée sur des hachures normalisées tracées entre des courbes de niveau approximatives. L’ordonnance royale de 1824 avait certes définitivement privilégié les besoins administratifs et militaires sur les préoccupations scientifiques, mais la géométrisation de la représentation cartographique reposait encore sur des méthodes fixées depuis un siècle et demi sous l’influence de la science géodésique. La prédominance scientifique dans ce domaine était telle que même après l’affirmation de la seule autorité du Dépôt de la guerre sur les travaux de la carte de France et la disparition de la Commission royale à la suite de la mort de son président Laplace, les opérations géodésiques qui devaient servir de base à la nouvelle carte furent menées dans une approche scientifique, accentuée par la formation plus rigoureuse des ingénieurs géographes assurée entre 1809 et 1831 par Louis Puissant294. Réalisée essentiellement entre 1818 et 1854295 sur une base méthodologique solide296, la nouvelle description géométrique de la France, qui fut plus tard appelée triangulation des ingénieurs géographes, posa les fondations géométriques de la nouvelle carte. Cependant, la traduction topographique de cette géométrisation fut limitée par l’absence de véritables besoins et par des techniques de nivellement dont le développement avait été retardé par la préférence géodésique du 18e siècle. Les spécifications et les méthodes employées pour la représentation cartographique du relief, notamment dans une rédaction encore fortement artistique, traduisaient la persistance d’une conception fixiste et figurative de la cartographie qui ne fut pas remise en cause avant les années 1870.

Notes
293.

Voir supra, partie 1, chapitre 1.3.

294.

Voir supra, partie 1, chapitre 2.2.2.2.

295.

La triangulation de la Savoie et du Comté de Nice ne fut exécutée qu’après leur annexion en 1859 et achevée en 1863. La triangulation de la Corse fut réalisée en 1863, après la décision de remplacer la carte de Corse basée sur les travaux de Tranchot.

296.

Voir supra, partie 1, chapitre 1.4.