3.1.1. Une œuvre indépendante basée sur des méthodes bien définies.

3.1.1.1. Une approche scientifique incontestée.

De façon moins exclusive que la carte de Cassini, le projet d’une nouvelle carte de France avait toutefois été fondé en grande partie sur un projet géodésique défendu par les milieux scientifiques. J’ai montré comment la lutte d’influence entre savants et militaires autour de ce projet ne concerna que peu l’aspect géodésique297. L’accord des différentes commissions dans ce domaine et les techniques bien définies qu’utilisaient les ingénieurs géographes pour les travaux de triangulation permirent de commencer les opérations géodésiques d’autant plus rapidement qu’elles étaient indépendantes des choix à faire en matière de levés topographiques, sur lesquels se concentrait l’opposition entre la Commission royale et le Comité du Dépôt de la guerre – en particulier les échelles de levé et de gravure.

L’instruction rédigée en 1818 par la Commission spéciale298 me paraît particulièrement révélatrice de la définition très précise des opérations géodésiques et de leur indépendance. Dans la première partie consacrée à la géodésie, les détails des travaux géodésiques étaient régulés avec une remarquable précision, dans une forme quasi-définitive : reconnaissances, constructions des signaux de 1er et 2e ordre, méthodes et modalités des observations trigonométriques, mesures des bases, et même répartition temporelle des calculs – le jour même de façon provisoire, durant les mois d’hiver de façon définitive. Si certaines concessions étaient bien faites aux considérations économiques, comme par exemple l’ordre d’utiliser au maximum le bois brut pour la construction des signaux, la plus grande partie de cette instruction suivait scrupuleusement les directives de la Commission royale, particulièrement stricte sur la rigueur scientifique des opérations. Au contraire, la deuxième partie de l’instruction, consacrée aux travaux topographiques, restait très imprécise. Elle connut d’ailleurs de nombreuses modifications dans les décennies qui suivirent.

Les opérations géodésiques se trouvaient donc entièrement sous l’influence des savants, qui en avaient défini très précisément les modalités d’exécution. Même si la Commission royale cessa de se réunir après la mort de Laplace en 1826, cette influence ne fut pas remise en question dans le déroulement même des travaux qui suivirent les directives définies en 1818.

Notes
297.

Voir supra, partie 1, chapitre 2.1.3.

298.

Publiée in extenso dans BERTHAUT Colonel. La Carte de France. T.1. Op. cit., p. 284-298.