3.2.3.2. Les difficultés d’application des principes.

Les officiers assurant l’encadrement des travaux sur le terrain avaient été très rapidement confrontés aux difficultés éprouvées par les opérateurs pour appliquer la méthode prescrite de façon particulièrement imprécise dans les diverses instructions. L’un des buts de la Commission de 1828 était de résoudre les problèmes liés à la représentation du terrain. Les décisions qu’elle prit aboutirent à une suite d’ordres et de circulaires publiées entre 1827 et 1830, qui répétaient la méthode à employer pour les levés et surtout rappelaient le rôle de surveillance des travaux imparti aux chefs de section. En 1830 encore, une note devait insister sur la nécessité de déterminer, quelle que soit la méthode de représentation du relief adoptée, un certain nombre de cotes sur les lignes caractéristiques du terrain. L’utilisation du diapason, autorisée spécialement pour le Dépôt de la guerre contre l’avis de la Commission, était également confirmée.

En 1838, l’instruction générale rédigée par le général Pelet portait autant sur la direction des travaux par les chefs de section que sur les levés eux-mêmes. Dans ce texte, deux points me paraissent particulièrement importants en ce qui concerne la représentation du relief.

Tout d’abord, la prépondérance de la planimétrie était clairement affirmée : si l’instruction insistait à nouveau sur l’importance du canevas graphique, elle recommandait pour son exécution d’utiliser uniquement la planchette et l’alidade337 – des instruments incapables de mesurer des angles verticaux. La détermination de l’altitude des points du canevas ne semblait pas nécessaire. La boussole à éclimètre ne devait servir que pour le détail et la détermination des cotes d’altitude nécessaires à la représentation du relief. Je pense que cette hiérarchisation des besoins est un élément fondamental dans la carte d’état-major, illustrant la primauté des besoins administratifs et militaires de l’époque : les levés et donc la carte elle-même n’étaient structurés que sur un canevas planimétrique, la représentation du relief – même partiellement géométrisée – occupant un rôle secondaire, qui peut être qualifié de figuratif puisque sa véritable fonction semblait être d’ « habiller » la planimétrie.

Les passages consacrés à la représentation du relief dans l’instruction de 1838 renforcent mon hypothèse d’une approche encore essentiellement figurative, malgré une base géométrique. Tout en allant dans le même sens que les notes précédentes, ils demeuraient particulièrement imprécis et laissaient encore une latitude peut-être trop grande à l’opérateur, comme par exemple dans cet extrait :

‘« Les mouvements généraux du terrain et ses accidents particuliers doivent être exprimés d’abord au crayon, conformément au système des lignes de plus grande pente, mais en se rapprochant du principe des courbes de niveau équidistantes, pour fixer approximativement la longueur de ces lignes. C’est en opérant de la sorte sur de grandes parties du levé ou de la reconnaissance, que les officiers rendront fidèlement le relief du terrain. »338

La juxtaposition de termes exprimant la certitude (« doivent être exprimés », « conformément », « fidèlement ») et de termes exprimant l’approximation (« en se rapprochant », « approximativement ») ne devait pas aider les officiers à se faire une idée précise du travail qui leur était demandé. Surtout, l’instruction confirmait la méthode utilisée au début des levés de la carte de France, qui consistait à tracer directement les hachures s’appuyant sur des courbes de niveau imaginaires (« en se rapprochant du principe des courbes de niveau équidistances, pour fixer approximativement la longueur de ces lignes »). Elle s’opposait donc aux décisions de la Commission de 1828 qui avait explicitement demandé le tracé des seules courbes de niveau sur les minutes.

Notes
337.

Comme prescrit dès l’instruction de 1803, l’utilisation de la boussole seule et du déclinatoire, sujets à des variations, devait être évitée autant que possible.

338.

Extrait de l’instruction publiée dans BERTHAUT Colonel, La Carte de France. T.1. Op. cit., p. 316.