3.2.3.3. L’obligation du calque de courbes : un retour au principe originel des hachures normalisées.

L’imprécision de toutes les instructions ne permit pas de régler les problèmes de la représentation du relief sur les minutes. Une note de 1843 proposait une solution pragmatique, en demandant aux chefs de section de répartir expressément les travaux en fonction des difficultés que présentait le terrain. Surtout, elle ordonnait aux officiers de fournir systématiquement, avec tous leurs travaux exécutés sur le terrain, une étude précise des courbes reportée sur un papier calque, afin de les inciter à déterminer ces courbes avec plus de soin et de faciliter le contrôle indirect – c’est-à-dire sans retourner sur le terrain – de la qualité des levés. Elle affirmait ainsi la validité des décisions de la Commission de 1828, mais contredisait explicitement les instructions antérieures qui n’avaient jamais spécifié la nécessité de tracer les courbes.

La note de 1843 ne sembla pas obtenir de résultats satisfaisants. Dans le même souci de préciser le travail et de garantir son exécution plus régulière et respectueuse des prescriptions de la Commission de 1828, une circulaire de 1850 demandait donc de reporter les courbes avant les hachures sur les mises au net, pour s’assurer que les hachures étaient bien tracées à partir des courbes et non l’inverse. Trente-deux ans après les premiers levés de la carte de France et vingt-deux ans après les décisions de la Commission sur la représentation du relief, une instruction officielle posait finalement les bases d’une méthode en accord avec le principe des hachures normalisées formulé par la Commission de 1802.

Malgré les notes de 1843 et 1850, la pratique n’avait pas beaucoup changé. L’expérience montra que les calques de courbes étaient souvent mal exécutés et très différents du tracé des hachures sur les minutes : la plupart du temps, ils présentaient des courbes bien trop régulières pour être vraiment le résultat d’une étude précise sur le terrain. Une nouvelle circulaire publiée en 1851 insistait particulièrement sur l’importance de ce calque des courbes, prévoyant de refuser tous les travaux dans lesquels celui-ci ne montrerait pas les preuves d’une étude soignée.

Même en respectant la « pureté » originelle du principe des hachures normalisées, la méthode employée pour le levé topographique du relief posait des problèmes récurrents de systématisation. Pour accélérer et faciliter les opérations, les courbes sur lesquelles s’appuyaient les hachures étaient tracées au bureau, à partir de quelques points déterminés sur le terrain et d’observations généralement traduites par des croquis et des profils de terrain. Le tracé de ces courbes approximatives était souvent systématisé, c’est-à-dire plus ou moins extrapolé et lissé à partir des données partielles disponibles, pour des raisons tenant à la fois de la méthode employée qui empêchait une comparaison directe avec le terrain et à la fois d’une véritable volonté d’homogénéisation du rendu du terrain.

Cette vision caricaturale du relief fut sévèrement critiquée à la fin du 19e siècle par les nouveaux partisans d’une topographie plus détaillée, les scientifiques, les alpinistes et certains topographes militaires339. Mais les diverses notes et instructions montraient que les autorités dirigeant les travaux de la carte de France avaient pris conscience relativement tôt de ce problème, sans pour autant arriver à le résoudre systématiquement. Une circulaire de 1852 insistait encore pour que chaque officier fasse le plus de travail possible sur le terrain, y compris pour la rédaction des minutes, afin « d’aider ses souvenirs ou de redresser des imperfections en retournant sur le terrain »340.

Notes
339.

Voir infra, partie 2, chapitre 2.2.1.

340.

BERTHAUT Colonel, La Carte de France. T.1. Op. cit., p. 318.