3.3.2.1. Des systèmes alternatifs aux hachures normalisées.

La Commission devait s’appuyer sur de nouveaux essais et les résultats des premiers travaux effectués sur le terrain pour décider d’un règlement applicable à tous les services publics. Les questions abordées étaient donc beaucoup plus nombreuses que lors des commissions précédentes, qui s’étaient focalisées – et bloquées – sur le problème de l’éclairage. Surtout, elles étaient formulées dans une perspective plus large que la seule carte de France et représentaient donc un état des lieux de la représentation du relief particulièrement intéressant pour mon étude.

Alors qu’ils étaient censés clarifier le débat, les nouveaux essais et l’expérience du terrain ne firent en fait que le compliquer, chacun y puisant de nouveaux exemples pour étayer son argumentation. La multiplicité des opinions se révéla d’ailleurs beaucoup plus grande que dans les commissions précédentes. La controverse autour de l’éclairage avait été menée entre 1817 et 1818 dans le cadre de la représentation prescrite par la Commission de 1802, employée par les ingénieurs géographes et enseignée dans leur école d’application, qui mêlait l’emploi de courbes de niveaux et de hachures perpendiculaires à ces courbes, avec un espacement et une épaisseur proportionnels à la pente. Mais en 1826 et 1827, lors des premières réunions de la nouvelle commission, plusieurs nouveaux systèmes furent introduits et défendus par certains membres.

Le commandant Lapie défendit l’emploi exclusif des hachures, dessinées directement sur le terrain, qui lui semblait parfaitement capables de traduire tous les détails de la topographie dans une orientation strictement militaire. Sans se soucier d’une quelconque géométrisation, il affirmait la recherche d’une représentation expressive et détaillée du relief dans une perspective purement figurative. Sa position, marginale, en rupture complète avec le développement d’une cartographie scientifique basée sur la mesure, m’apparaît comme une volonté de retour au principe des premiers plans topographiques militaires, qui mettaient uniquement en valeur les passages à emprunter ou à défendre. Justifiée d’un point de vue pragmatique, elle ne fut que peu soutenue, à mon avis parce que sa mise en œuvre nécessitait une grande compétence topographique de la part des opérateurs et qu’elle rendait délicate toute tentative de formalisation, pourtant exigée par la diffusion de plus en plus large de la topographie dans la pratique militaire à cette époque.

Le général du génie Fleury défendit une solution opposée à celle de Lapie, en se prononçant pour l’utilisation exclusive des courbes de niveau à toutes les échelles – contrairement à la Commission de 1802 qui ne les avait acceptées que pour les échelles supérieures à 1 : 10 000. Dans la même orientation géométrique, le général Desprez proposa un nouveau procédé utilisant des hachures horizontales qui multipliaient les courbes de niveau afin de donner un effet de teinte. Ces deux systèmes permettaient de calculer facilement les angles de pente, mais demandaient une modification radicale du mode de lecture des cartes. Ils se trouvaient également confrontés au problème des méthodes de levé déjà souligné par la Commission de 1802 : pour des levés réguliers à une échelle inférieure au 1 : 10 000, il n’était pas envisageable de filer les courbes sur le terrain, si bien qu’elles devaient être extrapolées à partir de cotes d’altitude et d’observations directes. Bonne critiqua cette géométrisation illusoire et rejeta vivement tout emploi exclusif des courbes de niveau.

L’isolement des partisans de ces différents systèmes ne permit pas la remise en cause du système des hachures normalisées qu’ils espéraient. Pour autant, ce mode de représentation du relief n’était toujours pas précisé dans ses détails et son application.