3.3.3.3. La publication de la carte de France.

La publication de la carte commença en 1833 avec la première livraison contenant les douze feuilles du quart nord-est de la France, dont Paris. A partir de cette date, le travail de gravure et la publication suivit un cours normal, seulement ralenti par les difficultés rencontrées avec les feuilles de montagne des Pyrénées et des Alpes. Les dernières feuilles publiées concernaient la Corse : les minutes mises au net furent achevées en 1867, leur réduction en 1871 et leur gravure et publication en 1880. Sur l’ensemble de la carte, la durée d’exécution d’une feuille était d’environ douze ans, du début des levés à l’achèvement de la gravure361.

Ainsi, la Carte de France s’achevait « soixante après la gravure du premier trait sur la planche de Paris »362, avec une dépense totale de onze millions de francs, selon les calculs de Berthaut363. La commission spéciale du Dépôt de la Guerre avait estimée en 1818, sur la base de levés au 1 : 10 000 et d’une gravure au 1 : 50 000, une durée d’environ vingt ans pour un budget total de sept millions de francs. Le Comité du Dépôt de la guerre avait estimé la même durée et le même coût en 1821, mais avec une gravure au 1 : 80 000, ce qui illustre à quel point le coût de la gravure était difficile à estimer avant le début des travaux à un stade de véritable production. En 1832, juste avant le début de la publication, le général Pelet estimait à vingt-quatre ans la durée encore nécessaire à la réalisation de la carte avec un budget annuel de deux cent mille francs, pour un budget total cumulé depuis 1818 de six millions six cent mille francs. Malgré des limitations, le budget et la durée de réalisation furent donc – assez normalement – largement supérieurs à ce qui avait été prévu, en grande partie à cause de difficultés techniques dont l’ampleur avait été mal appréciée, particulièrement pour la gravure et pour les zones montagneuses qui n’avaient jamais été l’objet de travaux topographiques généraux comprenant une représentation géométrique du relief .

Malgré les discours soulignant son utilité, les prévisions de tirage reflétaient bien sa conception avant tout comme une œuvre de prestige à la seule destination des administrations centrales : en se basant sur l’exemple de la carte de Cassini, le Dépôt de la guerre avait estimé qu’une planche de cuivre pouvait supporté cinq mille tirages avant d’être inutilisable. Les planches s’usèrent en fait plus rapidement, et à partir de 1852, le Dépôt fit des essais de galvanoplastie, un procédé dont l’utilisation se développait à l’étranger pour la reproduction des planches de cuivre (Angleterre, Etats-Unis, Italie, Autriche), mais pour des questions de budget, il n’installa finalement un atelier spécialisé qu’en 1856. Par la suite, le Dépôt utilisa également le procédé d’aciérage inventé par Jacquin pour augmenter la durée de vie des planches de cuivre. Parallèlement, il développa, à partir de 1838, la technique du tirage en report sur pierre pour l’impression à moindre coût des cartes départementales éditées pour l’administration. A partir de 1865, l’usage et la conservation des planches étaient donc bien définis, toutes les modifications n’étant effectuées que sur des reproductions des planches-mères, mais certaines planches étaient déjà très usées : en 1898, soixante-trois planches devaient être retouchées à cause d’une trop grande usure, travail long et délicat prenant en moyenne trois ans par planche. Mais ce ne fut qu’après 1870 et le manque aigu de cartes dans l’armée française qu’une solution plus économique et efficace de tirage fut activement recherchée avec le développement de la zincographie364.

Notes
361.

Le Service Géographique de l’Armée, op. cit., p. 41.

362.

BERTHAUT Colonel, La Carte de France, op. cit., tome 2, p. 92.

363.

BERTHAUT Colonel, La Carte de France, op. cit., tome 2, p. 95.

364.

Voir infra, partie 2, chapitre 3.2.2.2.