Chapitre 4. La carte d’état-major face aux Alpes : les limites d’une cartographie généraliste.

La carte de France au 1 : 80 000, plus connue sous le nom de carte d’état-major, fut la première carte topographique générale du territoire. Malgré la persistance de l’approche figurative, l’adoption d’une représentation partiellement géométrique du relief ne permettait pas de simplement négliger les régions montagneuses jugées inintéressantes pour les besoins militaires ou administratifs, comme l’avait décidé Cassini en son temps. Au contraire, la carte d’état-major fut la première carte à couvrir systématiquement les parties françaises des chaînes des Pyrénées et des Alpes. Ce fut d’ailleurs dans ces régions que les difficultés les plus aiguës furent rencontrées dans la réalisation de la carte. Les problèmes techniques et humains que posèrent les travaux dans des régions encore très peu fréquentées367 soulignèrent l’ignorance des officiers et de la direction. Le rôle central de la triangulation et les préoccupations scientifiques focalisées sur la géodésie imposèrent une pression considérable aux ingénieurs géographes géodésiens qui opérèrent dans les régions de haute montagne. Les conditions extrêmes des travaux en haute montagne ne furent que lentement reconnues après l’achèvement de la triangulation de 1er ordre, au cours des opérations de 2e et 3e ordre, mais aussi pendant les levés topographiques et la gravure. L’absence de besoins pour une représentation détaillée des hautes régions favorisa une orientation figurative plus marquée, mais ni les levés ni la gravure ne furent épargnés par les problèmes posés par un type de terrain dont la cartographie à grande échelle n’avait encore jamais été effectuée.

Notes
367.

Dans la première moitié du 19e siècle, la région la plus visitée des Alpes restait la vallée de Chamonix, qui se trouvait alors en dehors du territoire français. Elle ne connaissait pourtant que le tout début d’un développement touristique, avec un nombre cumulé de « visiteurs » estimé à mille cinq cents en 1800 (voir infra, partie 2, chapitre 1.3.1).