En matière de géodésie des régions montagneuses, les officiers chargés de la nouvelle description géométrique de la France n’étaient pas en terrain entièrement vierge. Des ingénieurs géographes avaient déjà effectué un certain nombre de travaux dans ces régions stratégiques, même si l’intérêt des militaires ne semblait pas excéder le tracé des frontières et des itinéraires de franchissement. Les nouveaux officiers héritaient ainsi dans les Pyrénées des travaux inachevés de la commission franco-espagnole de délimitation de la frontière, menés entre 1786 et 1795369, même s’ils ne furent pas utilisés par les officiers de la carte de France. Dans les Alpes, ils disposaient des triangulations de la Savoie, de la Suisse et de l’Italie réalisées sous l’Empire, qui furent intégrées à la chaîne primordiale du parallèle moyen.
Cependant, ces travaux antérieurs n’avaient pas l’ampleur de la nouvelle description géométrique et ils pénétraient beaucoup moins profondément dans les zones de haute montagne. Malheureusement, les conditions exactes dans lesquelles ils furent effectués sont très peu détaillées dans les sources disponibles. Pour la Suisse (1803-1814), le colonel Henry profita « d’excellents documents locaux existant déjà »370 et n’effectua apparemment aucune opération difficile en haute montagne. Il se consacra en fait principalement au parallèle de Strasbourg, appuyant ses triangles jusqu’à Genève par une base de dix-neuf kilomètres mesurée à Ensisheim, près de Colmar. Nouet réalisa à partir de 1802 la triangulation du département du Mont Blanc et du lac Léman, déterminant essentiellement les positions de villes comme Chambéry, Genève ou Bonneville. Encore une fois, aucune ascension de sommet n’est citée pour ce travail.
A l’époque, n’importe quelle ascension conservait une nature exceptionnelle qui justifiait la publication de descriptions et commentaires détaillés : leur absence me permet donc d’affirmer sans aucun doute qu’aucune opération ne fut menée en haute montagne au cours de ces triangulations. Les visées furent certainement exécutées en plaine ou en moyenne montagne, dans des régions qui, à l’exception du massif du Mont Blanc, restaient d’un accès relativement facile.
Parmi les ingénieurs français de la commission figurait notamment Brossier.
BERTHAUT Colonel. La Carte de France. T.1. Op. cit., p. 133.