4.2.1.2. Les acquis tardifs de l’expérience.

Les diverses opérations menées dans des régions de haute montagne sous l’Empire et pour le 1er ordre de la nouvelle description géométrique n’avaient pas eu d’impact immédiat sur les programmes de travail, ni sur la pratique elle-même jusqu’à la fin des années trente. Pourtant, je pense qu’il ne faut pas sous-estimer l’importance de l’expérience de la haute montagne que ces opérations avaient permise à certains ingénieurs d’acquérir. Malgré leurs remarques acerbes sur le travail en région montagneuse, des officiers comme Peytier, Hossard, Testu ou Loreilhe, avaient gagné une compétence certaine dans ce qui commençait à être appelé l’ascensionnisme. Le développement embryonnaire du pyrénéisme et de l’alpinisme commençait également à accroître les connaissances disponibles sur certains massifs.

Cependant, je pense que cette impression d’un travail plus facile qui ressort des comptes-rendus et descriptions des opérations de 2e et 3e ordre, procédait surtout d’un assouplissement de la pratique elle-même. Sans que l’instruction de 1818 ne soit remise en cause, la direction commença dans les années 1840 à tolérer, et même à conseiller, une certaine souplesse dans l’application de ses prescriptions. En particulier, dans les zones montagneuses, elle encourageait l’emploi de méthodes moins précises mais plus rapides et d’instruments de moins grande dimension pour faciliter leur transport. Dans sa présentation générale des opérations géodésiques, le colonel Peytier, particulièrement sensible aux difficultés posés par la haute montagne pour avoir lui-même travaillé à la triangulation des Pyrénées, décrivait explicitement ces adaptations de circonstance :

‘« Dans les pays de hautes montagnes comme les Alpes et les Pyrénées, où l’on est très fréquemment contrarié par les nuages, il devient nécessaire d’opérer rapidement et de faire une station en quelques heures ; on peut se borner alors à 6 répétitions pour des angles du second ordre, et l’on prend des angles simples pour les points du troisième ordre ; on obtient ces derniers angles au moyen de tours d’horizon que l’on fait deux fois, pour éviter les erreurs ; on peut même, pour avoir promptement les distances zénithales des points du troisième ordre, les obtenir par différence avec celles des points du second ordre ; mais le mieux est d’avoir pour les hautes montagnes deux instruments : un théodolite pour les angles horizontaux et les distances zénithales des points du second ordre, et un grand éclimètre pour celles des points du troisième ordre. Au moyen de ces deux instruments, une station peut-être effectuée promptement et sans perte de temps, surtout s’il y a deux observateurs, ce qui est bien à désirer dans les zones de hautes montagnes, où l’on rencontre tant de difficultés de toute nature. Le Dépôt de la guerre a fait confectionner, pour la géodésie du second ordre dans les Alpes, de petits théodolites de 0,162 m. de diamètre, au lieu de 0,22 m. qu’ont ceux que l’on emploie ordinairement ; ils donnent directement 50 secondes centésimales et à l’estime 25 secondes. On a fait aussi construire de grands éclimètres à retournement de 0,22 m. de diamètre, et qui donnent la minute centésimale. Depuis 1851, on donne un adjoint aux officiers chargés de la géodésie du second degré ; de cette manière, on prépare des triangulateurs pour l’avenir et l’on diminue les difficultés qu’ont à surmonter les officiers qui opèrent dans les Alpes. »405

Notes
405.

PEYTIER Colonel. Notes sur les opérations géodésiques. Op. cit.