4.2.2. L’adaptation des levés topographiques à la haute montagne.

4.2.2.1. Les officiers d’état-major et les levés topographiques.

Les levés topographiques des Alpes furent principalement exécutés entre 1853 et 1864, à l’échelle du 1 : 40 000. Dans mon corpus, seuls quelques fragments furent levés en 1835 au 1 : 20 000 dans les régions de plaine ou de pré-alpes situées sur les feuilles de Saint-Claude, de Nantua et de Chambéry. Sur la feuille de Grenoble et dans les feuilles voisines de Chambéry et de Saint-Jean-de-Maurienne, quelques zones stratégiques concernant les forts militaires de la Maurienne furent aussi levés plus tôt en 1843. Mais l’essentiel des levés succéda aux opérations géodésiques de 2e et 3e ordre en 1853. Les derniers travaux menés dans les Alpes entre 1862 et 1864 concernaient essentiellement le territoire annexé après la campagne d’Italie de 1859406. Entre autres, le capitaine Mieulet leva durant les seules campagnes de 1863 et 1864 les cinq cents kilomètres carrés de l’intégralité du massif du Mont Blanc, versant italien compris.

Comme tous les levés de la carte de France, les levés alpins furent exclusivement l’œuvre d’officiers d’état-major, même si après leur intégration dans ce corps, certains ingénieurs géographes participèrent ponctuellement à ces opérations dans d’autres régions. Dans la région couverte par mon corpus, ces officiers étaient majoritairement au grade de capitaine : sur les soixante-quinze officiers qui travaillèrent aux levés couvrant cette région, quinze eurent à un moment le grade de lieutenant (18,67 %), soixante et un le grade de lieutenant (81,33 %) et quatre seulement le grade de commandant (5,33 %)407. Alors que les capitaines levèrent 86,44 % des coupures, les lieutenants n’en levèrent que 11,36 % et les commandants 2,2 %. La carte suivante montre la répartition des levés exécutés par les officiers de chaque grade (carte 1) : à l’exception d’une zone levée dans le massif des Ecrins, les lieutenants se voyaient surtout attribuer des zones plus faciles à lever, mais la proportion écrasante de capitaines ne me permet pas vraiment d’en déduire une corrélation forte.

Carte 1 : Répartition des levés de la carte de France au 1 : 80 000 par grade des opérateurs*.
Carte 1 : Répartition des levés de la carte de France au 1 : 80 000 par grade des opérateurs*.

* Mon corpus ayant été conçu sur les bases du découpage de la carte de France au 1 : 50 000, utilisé pendant presque tout le 20e siècle, les feuilles de la carte d’état-major concernant les Alpes du nord couvrent généralement des zones en dehors du corpus.

Bien que les levés alpins aient été exécutés trente-cinq ans après les premiers levés topographiques et que la méthode ait été considérablement formalisées par l’instruction de 1851, les difficultés du travail en haute montagne nécessitèrent pourtant des adaptations méthodologiques importantes, qui soulignèrent notamment l’importance de la reconnaissance.

Notes
406.

Les levés alpins achevaient les opérations de levés topographiques de la carte de France, après ceux de la Bretagne et des Pyrénées exécutés de 1845 à 1855, et ceux de Provence et du littoral méditerranéen – à l’exception de la Corse pour laquelle le Dépôt de la guerre disposait d’une carte qu’il jugea longtemps suffisante.

407.

Les grades sont ordonnés selon la hiérarchie militaire. La formule « x officiers eurent à un moment le grade y » et le total supérieur à cent des pourcentages reflètent l’évolution des officiers qui changèrent parfois de grade durant la période concernée par les levés alpins.