4.2.2.2. L’importance nouvelle de la reconnaissance.

La méthode de levé topographique telle qu’elle était formalisée dans l’instruction de 1851 se révélait souvent inapplicable dans les régions alpines. Même dans les régions depuis longtemps françaises, les officiers devaient souvent lever des zones désertiques pour lesquelles il n’existait aucun document du Cadastre ou des Eaux et forêts. Ils ne disposaient donc d’aucune mappe pour préparer et appuyer leur travail, ce qui donnait un rôle considérable à une étape jusque-là sous-estimée par les instructions : la reconnaissance du terrain.

Les instructions rédigées par le lieutenant-colonel Borson, qui dirigea à partir de 1862 les levés des territoires annexés408, témoignent remarquablement des conditions d’opération dans les zones de haute montagne et du nouveau rôle de la reconnaissance. La complexité du relief, l’insuffisance des opérations géodésiques dans la région annexée409, la qualité ou l’absence de mappes réduites d’éventuels cadastres, obligeaient à déterminer un nombre important de points géométriques pour fixer la position des crêtes et thalwegs et assurer la planimétrie. Le travail de reconnaissance, durant lequel l’officier déterminait un certain nombre de points, prenait donc une place fondamentale :

‘« Dans de semblables conditions, ce qu’il y aurait de préférable, si la saison le permettait, serait sans contredit de consacrer un temps suffisant, un mois même, à la détermination d’un certain nombre de points auxiliaires, de manière à obtenir une sorte de canevas qui permette de donner à l’ensemble du travail une assiette solide et d’aborder ensuite sans obstacle le levé des détails. L’inconvénient d’être obligé de revenir deux fois sur le même terrain est bien compensé par la sûreté d’opération qui en résulte, comparée à l’incertitude inévitable, quand il faut s’orienter, puis lever de toutes pièces un terrain compliqué que l’on voit pour la première fois.
[…] On ne pourra donc plus admettre dès lors qu’un officier chemine sur son travail en tirant des visuelles à des points douteux, ou encore néglige d’utiliser des signaux trigonométriques, faute de les avoir exactement reconnus. »410

Notes
408.

Officier de l’armée sarde, Borson était passé dans l’armée française, au Dépôt de la guerre, après l’annexion de la Savoie et du Comté de Nice par la France en 1859.

409.

Voir infra, partie 1, chapitre 4.2.3.

410.

Instruction de Borson de 1864, reproduite dans BERTHAUT Colonel. La Carte de France. T.2. Op. cit., p. 62.