Au moment où furent décidés les levés des régions annexées, les travaux topographiques de la carte de France étaient pratiquement achevés et l’effectif des officiers topographiques avait été réduit. Le levé de la région la plus difficile du nouveau territoire français se trouvait donc confronté à un délicat problème de gestion du personnel. A partir de 1862, dès que les travaux géodésiques furent suffisamment avancés, le Dépôt de la guerre ordonna à vingt officiers de commencer immédiatement les levés en Savoie, sous la direction du lieutenant-colonel Borson qui connaissait assez bien le terrain.
Pour accélérer le travail, il avait été envisagé d’utiliser les documents cartographiques existants, mais ceux-ci formaient un ensemble particulièrement hétérogène qui complexifiait singulièrement leur exploitation :
Cette situation particulière nécessita une adaptation de circonstance, pressée par le pouvoir politique qui s’impatientait de disposer d’une carte des territoires annexés. Ainsi, entre 1862 et 1864, les opérations du cadastre et les levés topographiques de la carte de France furent exécutés en même temps pour la première fois, dans un esprit proche de ce qu’avaient prévu les projets initiaux de la carte. Mais l’urgence n’éclipsait pas les rivalités anciennes, et les officiers topographes estimèrent invariablement comme assez médiocre le travail de leurs homologues civils, un jugement sans doute provoqué autant par la différence fondamentale de leurs besoins respectifs que par l’opposition ancienne et tenace entre ingénieurs civils et militaires.
De toute façon, une grande partie des régions annexées n’était pas couverte par les documents cadastraux qui se limitaient généralement aux communes et à une mince frange de cultures autour d’elles, couvrant plus rarement quelques vallons secondaires. La grande majorité du terrain, inculte et inhabité, n’était pas représentée. Les instructions rédigées en 1863 et 1864 par le lieutenant-colonel Borson416 montrent la complexité du travail d’assemblage de ces documents, qui précédait tous les levés sur le terrain. Leur grande hétérogénéité rendait particulièrement difficile l’obtention d’une base cohérente pour le travail des officiers topographiques, qui se trouvait fortement compliqué par la juxtaposition de zones nécessitant une simple reconnaissance, avec vérification et révision des points géodésiques, ou un levé topographique intégral.
Reproduites dans BERTHAUT Colonel. La Carte de France. T.2. Op. cit., p. 58-62.