4.2.4.2. Variation des techniques de dessin.

Même s’il restait moins coûteux et plus rapide que la gravure, le dessin des feuilles de montagne consistait déjà une étape longue et une charge importante. En moyenne, les meilleurs dessinateurs n’arrivaient pas à produire plus d’un décimètre carré par mois, pour un coût total de quatre à huit mille francs pour une feuille entière. Plusieurs systèmes furent donc successivement essayés pour accélérer le dessin du relief, dans une évolution marquée à partir des années 1850 par le développement des travaux concernant les régions montagneuses :

  • Hachures avec rehauts au pinceau : appliqué jusqu’en 1854-55 pour la majorité des feuilles du nord, de l’ouest et du centre de la France ; dans les Alpes, seule la feuille de Chambéry fut dessinée avec ce système.
  • Hachures seules : employé de 1855 à 1859 pour trente-six feuilles, notamment dans les Pyrénées orientales et le Massif central ; dans les Alpes, la feuille d’Allevard (Saint-Jean-de-Maurienne) uniquement.
  • Courbes seules, avec rehauts au pinceau : de 1859 à 1865 pour trente-trois feuilles, dans les Pyrénées centrales, et dans une bande allant de Carcassone et Rodez aux Alpes (sauf Savoie et Comté de Nice) ; feuilles d’Aiguilles, Larche, Vizille, Briançon, Gap et Die dans mon corpus.
  • Courbes et réductions photographiques au 1 : 80 000 des minutes, rehaussées au pinceau : de 1865 à 1869 pour la Savoie et les feuilles de Marseille, Antibes et Toulon ; partie annexée des feuilles de Chambéry, Grenoble, Nantua, Briançon et Saint-Jean-de-Maurienne et feuilles de Thonon, Vallorcine, Annecy, Albertville, Bonneval et Tignes dans mon corpus.
  • Hachures et réductions photographiques des minutes rehaussées : de 1868 à 1871 pour les Alpes-maritimes et la Corse ; aucune feuille dans le corpus.

Dans les Alpes, seuls les systèmes numérotés 3 et 4 dans ma liste furent véritablement utilisés. Le dessin des courbes seules avec un rehaut au pinceau avait été proposé en 1858 par le colonel Levret, chef des services de la cartographie. Puisque le dessin du relief ne servait en fait qu’à guider les graveurs dans le tracé des hachures, il avait pensé accélérer considérablement le travail des dessinateurs en supprimant le tracé des hachures, que de toute façon les graveurs effectuaient entièrement à partir du calque des courbes. Retour à une inspiration exclusivement figurative, puisqu’il devait seulement servir de guide aux graveurs, ce système était même initialement conçu sans dessin des courbes de niveau, mais les graveurs insistèrent pour qu’elles soient maintenues afin de faciliter leur travail.

Avec la création en 1859 d’un atelier de reproduction photographique au Dépôt de la guerre, de nouvelles méthodes purent être utilisées pour les dernières feuilles de la carte. A partir de 1864, sur proposition du capitaine de Milly, responsable de l’atelier, le dessin fut remplacé par des réductions photographiques au 1 : 80 000 des minutes mises au net : la reproduction était exécutée dans un ton suffisamment clair pour que le dessinateur puisse appliquer un rehaut au pinceau sur les pentes, gommant ainsi les différences de représentation entre les minutes rédigées par des officiers différents. Le procédé, rapide et efficace, produisait un travail plus uniforme. Pour éviter d’accentuer la systématisation du terrain par un intermédiaire supplémentaire ne connaissant pas de vue la topographie à représenter, l’officier qui avait levé le terrain collaborait avec le dessinateur. S’il facilitait l’homogénéisation des minutes de levé, ce système ne modifiait en rien l’approche figurative privilégiée par l’utilisation du rehaut au pinceau.