Conclusion

Les opérations géodésiques de 1er ordre concernant les régions presque inconnues de la haute montagne française se déroulèrent dans des conditions particulièrement difficiles, accentuées par l’exigence scientifique et la surdité de la direction qui refusa toute révision du rendement demandé en fonction de la nature du terrain. Au contraire, les opérations de triangulation complémentaire furent facilitées par l’allègement de la tâche consécutif au changement d’échelle des levés et les méthodes de levés topographiques elles-mêmes fortement modifiées pour s’adapter à ce terrain de parcours difficile. Cette différence sensible entre les conditions d’exécution de la géodésie de 1er ordre et des autres opérations cartographiques témoignait de la focalisation de l’intérêt scientifique sur la première. La représentation des régions de haute montagne ne répondant encore à aucun besoin particulier, elle fut réalisée dans une orientation plus figurative encore que celle du reste du territoire. L’existence spécifique pour ces régions de préoccupations de prestige scientifique et politique, notamment liées à la détermination de la frontière entre la France et l’Italie, motivèrent le maintien d’une représentation détaillée pour les régions les plus désertiques des Alpes.

Toutes ces modifications des méthodes employées pour couvrir les régions montagneuses soulèvent la question de l’apparition d’une cartographie spécifique à la haute montagne. En effet, fondamentalement, ces changements répondaient à l’inadaptation des méthodes de cartographie généraliste fixées pour le reste du territoire. Si les instructions pour les derniers travaux en Savoie marquaient effectivement la formalisation d’une approche spécifique à la haute montagne, en particulier par les références faites aux travaux des topographes suisses présentés comme des spécialistes de la cartographie de montagne, sa conception comme une simplification des méthodes générales et son orientation essentiellement figurative ne l’inscrivait pas encore dans le développement scientifique de la cartographie vers une généralisation de la mesure instrumentale. Dans la deuxième moitié du 19e, les scientifiques et les alpinistes critiquèrent d’ailleurs les lacunes d’une représentation de la montagne qui, si elle marquait effectivement un changement considérable par rapport à la carte de Cassini, ne satisfaisait pas les nouveaux besoins de ces utilisateurs.