1.3.1.3. L’essor touristique des Alpes.

Après l’exploit de Saussure, les visiteurs devinrent de plus en plus nombreux dans les Alpes, principalement dans les régions de Chamonix et de Grindelwald. Il s’agissait majoritairement d’Anglais, qui avaient définitivement inclus les Alpes dans leur « grand tour » de l’Europe : sur les cent deux visiteurs recensés à Chamonix en 1788, quarante-neuf étaient anglais, vingt-cinq français et quatorze genevois. En 1800, le nombre de visiteurs était évalué à mille cinq cents504. Des voyageurs célèbres vinrent voir les Alpes : Goethe et le duc de Weimar se rendirent à Chamonix en 1779, l’Impératrice Joséphine visita la Suisse et la Savoie en 1810. En 1860, l’annexion de la Savoie à la France, le voyage de Napoléon III et de l’impératrice à Chamonix, le projet de construction d’une route et la publication de l’Itinéraire descriptif et historique de la Savoie d’Adolphe Joanne achevèrent de mettre à la mode la haute montagne et la région de Chamonix.

Les préoccupations scientifiques cédèrent rapidement le pas au plaisir et parfois au sport. La pratique de la montagne se développa grâce au progrès de l’accompagnement : à partir de 1785, l’utilisation de la chaise à porteur permit aux personnes « fragiles » d’être emmenées au Montenvers, alors que le chemin avait été élargi. Les ascensions se multiplièrent, même si elles échouaient le plus souvent : entre 1787 et 1850, seules trente-six ascensions du Mont Blanc réussirent, parmi lesquelles les exploits féminins de Marie Paradis, servante d’auberge à Chamonix dont la légende veut qu’elle ait été portée jusqu’au sommet le 13 juillet 1808, et surtout d’Henriette d’Angeville en 1838, qui fut surnommée la « fiancée du Mont Blanc » et connut une véritable carrière d’alpiniste avec vingt-et-une courses. Les expéditions en montagne ne se concevaient encore qu’accompagné de guides et le métier se développa rapidement pour répondre aux besoins de ce nouveau flot de visiteurs sportifs. En 1821 était créée la Compagnie des guides de Chamonix, qui comptait dix-neuf personnes en 1832, soumises à un règlement très strict. Parmi les quatre ascensions qui formaient la catégorie des courses extraordinaires, c’est-à-dire en haute montagne, la cime du Mont Blanc nécessitait quatre guides par voyageur505.

Notes
504.

ALIPRANDI. La Découverte du Mont-Blanc. Op. cit., p. 81.

505.

Images de la montagne. Op. cit., p. 42-43.