Après l’époque des « précurseurs », l’ascensionnisme se développa véritablement dans la deuxième moitié du 19e siècle, dans une période dont les premières décennies furent qualifiés par les alpinistes eux-mêmes d’« âge d’or de l’alpinisme. »
A la suite des victoires de Ramond dans les Pyrénées, un groupe restreint de pyrénéistes multiplia les ascensions519. Ainsi, Charles Packe gravit le Balaïtous en 1864 et publia en 1862 la première édition de son Guide to the Pyrenees 520 , destiné à l’usage des touristes et ascensionnistes et proposant cent six itinéraires et ascensions. Son ami et rival, le comte Henri Russel, réalisa ses premiers ascensions à partir de 1858, parvint au sommet du Balaïtous une semaine après Packe en 1864 et publia également un guide en 1866521. L’année « 1858 marque une date-charnière dans les Pyrénées : le comte Russell y accomplit ses premières ascensions et l’Itinéraire descriptif des Pyrénées d’Adolphe Joanne [consacra] les débuts du grand tourisme pyrénéen. En une vingtaine d’années, les principaux sommets [étaient] gravis, du Carlit à l’Est, au pic d’Anie à l’Ouest, une abondante littérature se [développait] et la configuration géographique de la chaîne [pouvait] enfin être précisée. »522 La prédominance des Anglais était très marquée, mais quelques locaux s’imposèrent également dans ce mouvement du pyrénéisme scientifique, au premier plan desquels le bordelais Franz Schrader523.
Malgré l’accent mis sur les précurseurs alpins dans les différentes histoires de l’alpinisme, « avant 1860, les hautes régions [alpines] [étaient] très peu fréquentées et ne [bénéficiaient] pas du halo romantique qui [entourait] les Pyrénées »524. Le tourisme ne se développait modestement que dans la vallée de Chamonix, et à l’exception des quelques précurseurs déjà cités et de quelques glaciologues explorant l’Öberland bernois et les glacières de Chamonix525, l’ascensionnisme alpin ne s’épanouit qu’à partir des années 1850 et surtout 1860.
Traditionnellement, l’année 1854 marque le début de l’ âge d’or de l’alpinisme, avec l’ascension par Sir Alfred Wills du Wetterhorn (3 701 mètres), et celle par les frères Smyth du Dufourspitze (ou Monte Rosa, 4 634 mètres), le deuxième plus haut sommet des Alpes, situé dans le Valais. La domination anglaise était tout aussi marquée que dans les Pyrénées : entre 1854 et 1865, cent quatre-vingt grands sommets étaient vaincus, dont la moitié et tous les plus hauts par des cordées anglaises526. Parmi les plus célèbres, William Coolidge (1850-1926)527 et Edward Whymper occupent sans doute les premières places. Ce dernier gravit entre autres le Pelvoux en 1861, retrouvant les traces du campement de Durand, mais il reste surtout connu pour sa victoire tragique au Cervin en 1865, dans laquelle quatre de ses compagnons moururent. Classiquement, cette ascension clôt l’époque de l’âge d’or et ouvre une période plus informelle de conquête des Alpes, s’étendant environ jusqu’à la première guerre mondiale et marquant l’émergence d’un intérêt plus spécifique pour la difficulté technique et la performance sportive avec des hommes comme Walker, Coolidge ou Mummery.
Images de la montagne. Op. cit. Troisième Partie : Découverte des sommets et tourisme (XVIIIe-XIXe siècles), p. 40-41.
PACKE Charles. A Guide to the Pyrenees, especially intended for the use of moutaineers, with maps, diagrams and tables. Londres : [sn], 1862, 201 p.
RUSSEL-KILLOUG Henri. Les Grandes ascensions des Pyrénées d’une mer à l’autre. Guide spécial du piéton, ornée de douze cartes. Paris ;Toulouse : [sn], 1866, 297 p.
BROC Numa. La Montagne, la carte et l’alpinisme. Op. cit., p. 112-113.
Voir infra, partie 2, chapitre 2.2.2.
BROC Numa. La Montagne, la carte et l’alpinisme. Op. cit., p. 115.
Voir supra, partie 2, chapitre 1.2.
BONINGTON Chris. Deux siècles d’histoire de l’alpinisme. Op. cit., p. 269.
Né américain, mais ayant fait ses études et vécu en Angleterre.