2.1. Une cartographie figurative soutenue par l’essor touristique.

Entre les dernières publications d’œuvres issues du 18e siècle dans les années 1810 et les premières publications des topographes-alpinistes à partir de 1907545, mon corpus contient treize cartes concernant les Alpes du nord, publiées entre 1840 et 1906 par des éditeurs indépendants sous des formes diverses, souvent intégrées dans des publications littéraires ou des périodiques (encadré 2). Malgré la rareté des levés entièrement originaux, l’évolution des caractéristiques de ces cartes montre bien l’affirmation d’une véritable cartographie topographique indépendante, motivée par l’essor de nouveaux besoins essentiellement touristiques, même si elle reste inscrite dans une approche figurative.

Encadré 2 : Les cartes topographiques indépendantes des Alpes du nord au 19e siècle.
Carte représentant le plateau du Mont Blanc  (1840, environ 1 : 100 000 546 ).
Dressée par le chanoine Rendu d’après des sources non indiquées, publiée dans son livre Théorie des glaciers de la Savoie. Chambéry : [sn], 1840.
Relief en perspective cavalière, glaciers en blanc. En noir.
Map of the Mer de Glace of Chamouni and the adjoining mountains (1845, 1 : 25 000).
Dressée par Forbes d’après ses levés de 1842, publiée dans son livre Travels through the Alps of Savoy. Edimbourg : A. and C.Black, 1843, 424 p.
Point de vue vertical. Relief et rocher en hachures figuratives. Glacier en hachures figuratives, sauf les bandes de Forbes en courbes figuratives 547 . En noir.
Map of the glacier systems of Mont Blanc (1854, environ 1 : 130 000 548 ).
Dessinée par Alexander Keith Johnston d’après des sources non indiquées, intégrée dans la planche « Illustrations of the glacier systems of the Alps » de son Physical Atlas. Edimbourg : Blackwood, 1854.
Relief, rocher et glacier en hachures figuratives, avec une teinte bleutée sur les glaciers. Deux couleurs : planimétrie, toponymie, orographie, hydrographie en noir, glaciers en bleu.
Map of the Mer de Glace of Chamouni and the adjoining district (1855, 1 : 50 000).
Dressée par Forbes d’après ses levés et révisions de 1842, 1844, 1846 et 1850. Edition révisée avec une nouvelle échelle de la carte de 1845, publiée séparément. Deux couleurs : planimétrie, toponymie, orographie, hydrographie en noir, glaciers en bleu.
Map shewing three routes to the summit of the Mont Blanc as taken by a small party of Englishmen in the summer of 1855 (1856, environ 1 : 63 000 549 , 25 x 30 cm).
Dressée par Charles Hudson et Edward-Shirley Kennedy, publiée dans leur livre An Ascent of the Mont Blanc by a new route and without guides. Londres : Longman Brown Green And Longmans, 1856.
Relief, rocher et glacier en hachures figuratives, avec une teinte bleutée pour les glaciers. Trois couleurs : toponymie, hydrographie, planimétrie et orographie en noir, glaciers en bleu, itinéraire d’ascension en rouge.
Travellers map of the Mont Blanc with the valleys and the glaciers around (1856, environ 1 : 265 000 550 , 14,5 x 20 cm).
Dressée par W. et A. K. Johnston d’après des sources non indiquées, publiée dans KING S.W. Italian valleys of the Pennine Alps : a tour through all the romantic and less-frequented « vals » of northern Piedmont, from the Tarentaise to the Gries. Londres : J. Murray, 1858, 558 p.
Relief et glacier en hachures figuratives. Deux couleurs : planimétrie, toponymie, orographie, hydrographie en noir, glaciers en bleu.
The Chain of Mont Blanc (1865, 1 : 80 000, 41 x 73,5 cm).
Dressée par Antony Adams-Reilly d’après ses levés de 1863-1864, publiée séparément sous l’autorité de l’Alpine club.
Relief par plages colorées : vert olive pour les parties basses, bistre pour les arêtes et contreforts, avec un rehaut de noir pour les aiguilles, bleu pour les glaciers. Rochers et glaciers à l’effet. Estompage avec un éclairage venant de l’angle haut gauche de la carte. La carte est orientée le haut au nord-ouest.
Carte topographique du massif du Mont Pelvoux (1875, 1 : 40 000).
Reproduites d’après les minutes de la carte d’état-major. Esquisse de mise en relief par le capitaine Prudent. Publiée dans l’Annuaire du Club Alpin Français de 1874, rééditée séparément mais sans date d’édition indiquée sur la carte.
Relief et glacier en courbes de niveau équidistantes de quarante mètres, reprises des minutes de la carte de France, avec des courbes maîtresses mises en valeur par un trait plus gras équidistantes de cent vingt mètres. Rocher en hachures figuratives. Cinq couleurs : planimétrie et toponymie en noir, orographie en bistre, glacier et hydrographie en bleu, végétation en vert, voies de communication en rouge. Estompage en éclairage vertical.
Le Massif du Mont Blanc (1876, 1 : 40 000, 116 x 192 cm).
Dressée par Viollet-le-Duc d’après les minutes de la carte d’état-major et des levés par Viollet-le-Duc, publiée par J. Baudry à Paris.
Relief par plages colorés, rocher à l’effet, et glacier en teinte grisée légèrement hachurée. Huit couleurs.
Carte topographique du Haut-Dauphiné (1890, 1 : 50 000).
Dressée par Guillemin et Läederich 551 , d’après la carte d’état-major et des documents récents.
Relief en teinte de gris, rocher en hachures figuratives. En noir.
Maps of the Dauphiny Alps (1892, 1 : 100 000).
Dressée par Henri Duhamel d’après les minutes de la carte d’état-major. Première édition en cinq feuilles dans COOLIDGE W.A.B., DUHAMEL Henri, PERRIN F.. Guide du Haut-Dauphiné. Grenoble : A. Gratier, 1887. Deuxième édition séparément en six feuilles en 1892, sous le titre de Maps of the Dauphiny Alps, par Wuster, Randegger et Cie, à Winterthur. Plusieurs tirages en six feuilles en 1909 sous les titres de Carte du Massif du Pelvoux et de cartes du Haut-Dauphiné. Nouvelle édition en six feuilles en 1932, curieusement datée de 1909, incluant une nouvelle liste d’altitude, sous le titre de Cartes du Haut-Dauphiné 552 .
Relief et glaciers en courbes de niveau équidistantes de quarante mètres 553 , comme sur les minutes dont la carte est dérivée. Rocher à l’effet. Trois couleurs : toponymie, planimétrie et rocher en noir, hydrographie et glaciers en bleu, triangles rouges pour indiquer les points géodésiques.
La Chaîne du Mont Blanc (1896, 1 : 50 000, 53 x 100 cm).
Dressée par Xavier Imfeld, d’après les « documents existants » et les levés de Louis Kurz, sous la direction d’Albert Barbey. Première édition en 1896, par Kummerly Frey, à Berne. Nombreuses rééditions, avec des courbes de niveau à partir de 1905 554 .
Relief par teintes, complété à partir de 1905 par des courbes de niveau équidistantes de cinquante mètres, extrapolées à partir des cotes d’altitudes, avec des courbes maîtresses en gras équidistantes de deux cent mètres. Rocher et glacier à l’effet. Estompage. Orientation le haut au nord-ouest.

Notes
545.

Voir infra, partie 2, chapitre 2.3.3.3, et partie 3, chapitre 1.3.

546.

L’échelle graphique dessinée sur la carte représente 4 000 toises en 7,2 centimètres : en prenant la longueur traditionnellement retenue de 1,949 mètres pour une toise, l’échelle approximative est de 1 : 108 277, arrondie à 1 : 100 000 compte tenu de l’approximation de la mesure et de la conversion.

547.

Voir supra, partie 2, chapitre 1.2.2.3.

548.

J’ai calculé l’échelle approximative à partir de l’échelle graphique dessinée sur la carte, qui représente 3 miles en 3 centimètres, soit 1 : 130 484, arrondi à 1 : 130 000.

549.

L’échelle graphique dessinée sur la carte représente 2 miles anglais en 5,1 centimètres, soit une échelle de 1 : 63 111, arrondie à 1 : 63 000 compte tenu de l’approximation de la mesure.

550.

J’ai calculé l’échelle approximative à partir de l’échelle graphique dessinée sur la carte représentant 8 miles en 4,8 centimètres.

551.

Le nom de l’éditeur est illisible sur la seule reproduction photographique de cette carte dont je dispose.

552.

BARRERE M. Note sur la carte au 100.000e du Massif du Pelvoux d’Henri Duhamel. Paris : [sn], avril 1955, 1 p. Note dactylographiée trouvée dans un dossier de cartes à la cartothèque de l’IGN.

La carte intégrée à mon corpus semble être l’édition anglaise de 1892, mais une partie de l’habillage manque sur cet exemplaire trouvé à la cartothèque de l’IGN, les 6 feuilles étant brochées pour n’en former plus qu’une, rognant ainsi sur les marges.

553.

Du moins me semble-t-il, par comparaison avec d’autres cartes, puisque l’équidistance n’est pas indiquée sur le seul exemplaire broché que j’ai réussi à consulter.

554.

Mon corpus ne contient que l’édition originale de 1896 et la huitième édition de 1906, l’exemplaire avec courbes de niveau le plus ancien que j’ai pu trouver.