2.1.1.2. La carte d’Adams-Reilly, la référence topographique de la deuxième moitié du 19e siècle.

La méthode de levé adoptée par Adams-Reilly était relativement proche de celle de Forbes. Adams-Reilly utilisa d’ailleurs la base mesurée par ce dernier, à partir de laquelle il effectua trente-six stations pour déterminer les quelques deux cents points du réseau géométrique qui structurait ses levés au 1 : 40 000. L’ambition était par contre complètement différente, puisque la triangulation devait servir uniquement à la réalisation de la carte. Les levés eux-mêmes étaient plus détaillés. Adams-Reilly ne put couvrir la chaîne entière en seulement deux saisons que grâce à l’aide mutuelle qu’il échangea avec le capitaine Mieulet, qui levait le massif en même temps que lui pour la carte de France. Les deux hommes effectuèrent ensemble quelques levés et gravirent le Triolet (3 870 mètres). L’anecdote raconte d’ailleurs que Mieulet et Adams-Reilly se trouvaient ensemble lors d’une tournée d’inspection de Borson et que ce fut l’Ecossais qui convainquit celui-ci de faire publier les minutes de Mieulet par le Dépôt de la guerre – ce qui devint la carte du Massif du Mont Blanc (1865, 1 : 40 000)559.

A partir de ces levés originaux, Adams-Reilly dressa la première carte générale de la chaîne du Mont Blanc, sans aucun recours à la documentation suisse et piémontaise existante. Si la carte de Forbes servit probablement de base aux premières réalisations anglaises des années 1850, la carte d’Adams-Reilly fut certainement l’influence principale de toute la cartographie indépendante du massif du Mont Blanc jusqu’à la fin du 19e siècle. Il adopta un découpage du massif qui fut reprit par les réalisations postérieures de Viollet-le-Duc et d’Imfelfd, dans lequel la chaîne était « délimitée par les cours d’eau qui l’entourent : l’Arve au Nord, les deux bras de la Doire baltée au Sud (Doire de Ferret et Doire de Veny), la Dranse à l’Est et le Bonnant à l’Ouest »560. Imfeld reprit également l’orientation au sud-est de la carte d’Adams-Reilly, afin d’optimiser l’espace occupé sur le papier et de placer le Mont Blanc en position supérieure. Surtout, les levés originaux d’Adams-Reilly permirent de résoudre certains problèmes topographiques posés par les cartes précédentes561. Je trouve particulièrement révélateur de son influence le fait que toutes les cartes postérieures semblaient se positionner en concurrence avec la carte d’Adams-Reilly : alors que la plupart des spécialistes s’accordent sur leur utilisation des données de la carte d’Adams-Reilly, elle n’était jamais citée dans les sources documentaires indiquées sur ces cartes.

Notes
559.

Voir infra, partie 2, chapitre 3.3.2.

560.

ALIPRANDI, La Découverte du Mont-Blanc…, op. cit., p. 98.

561.

ALIPRANDI, La Découverte du Mont-Blanc…, op. cit., p. 98-99.