Même si elles reprenaient les éléments d’autres cartes, les œuvres de Viollet-le-Duc et d’Imfeld ne doivent pas être perçues comme de simples cartes de compilation. Toutes deux intégraient également des éléments issus des observations personnelles de leur auteur sur le terrain. Entre 1868 et 1875, Viollet-le-Duc exécuta ainsi une série de « levés » à l’aide d’une planchette munie d’une lunette, mais comme il n’effectua aucun nouveau calcul de position, toutes les cotes inclues dans sa carte provenaient directement des minutes du capitaine Mieulet qu’il citait comme source principale. Ses modifications personnelles restaient donc essentiellement d’ordre esthétique.
Par contre, la carte dressée par Imfeld apportait des modifications plus importantes. Elle se basait sur « les relevés, les mensurations et la nomenclature de Louis Kurz »562, alpiniste auteur d’un Guide de la chaîne du Mont-Blanc à l’usage des ascensionnistes (1892). Xavier Imfeld lui-même connaissait relativement bien la chaîne, dans laquelle il avait effectué, pour Gustave Eiffel, les sondages préliminaires à la construction de l’observatoire Janssen au sommet du Mont Blanc563. Ainsi, les cotes d’altitudes qui provenaient de la documentation ancienne furent toutes recalculées à partir du nivellement de précision suisse, et de nouvelles cotes furent ajoutées à partir des mesures de Kurz. Caractéristique originale pour l’époque, et révélatrice de l’importance donnée à la mesure par les deux auteurs, les cotes d’altitude étaient même indiquées pour certains sommets dont le nom était inconnu ou absent de la carte.
Les cinq cartes de Forbes, Adams-Reilly, Viollet-le-Duc et Imfeld, montrent déjà l’extrême hétérogénéité de la production cartographique indépendante en termes de sources topographiques. Si, en dehors du massif du Mont Blanc, aucune carte ne fut dressée à partir de levés originaux, les différentes cartes consacrées au massif des Ecrins exploitaient avec plus ou moins de détail les minutes de la carte d’état-major. Sans être des œuvres topographiques originales, elles marquèrent également une étape importante dans la représentation cartographique des Alpes, ce qui justifie leur intégration dans mon corpus.
BARBEY Albert, IMFELD Xavier, KURZ Louis. La Chaîne du Mont Blanc. Berne : Kummerly Frey, 1896. 1 feuille. Echelle 1 : 50 000. Corpus : feuille id 1874.
Le projet fut finalement abandonné en 1891 à la suite de sondages infructueux, alors qu’Eiffel avait posé la condition de pouvoir appuyer son observatoire métallique sur un rocher affleurant à moins de douze mètres sous la glace. L’astronome Jules Janssen, membre de l’Institut, se rabattit sur l’assemblage d’un observatoire en bois sur le sommet du Mont Blanc en 1893, abandonné suite à la dislocation de la structure en 1909.