2.3.3.4. Une précision sans utilité directe.

Même si tous les amateurs de cartographie reconnurent dans la carte des Vallot le chef-d’œuvre des topographes-alpinistes, l’entreprise resta toujours trop coûteuse pour être rentable. Carte de prestige au public limité, elle fut surtout utilisée pour dresser d’autres cartes à des échelles inférieures. Charles Vallot et Etienne de Larminat publièrent ainsi une Carte du Massif du Mont Blanc au 1 : 50 000 en quatre coupures – une échelle qu’Henri Vallot avait reconnu comme tolérable pour la haute montagne630. Réalisée d’après les levés des Vallot et les cartes étrangères, cette carte connut un véritable succès commercial, notamment auprès des alpinistes. Des déclinaisons au 1 : 60 000 furent également publiées pour représenter les itinéraires de montagne.

L’échec « commercial » de la carte au 1 : 20 000 confirme mon hypothèse du caractère messianique des arguments avancés par Henri Vallot sur les besoins en carte à grande échelle des scientifiques et des alpinistes. Expression de l’ambition scientifique des Vallot, la carte au 1 : 20 000 ne répondait pas aux véritables besoins pratiques. Pour les touristes, la couverture de tout le massif nécessitait l’acquisition de nombreuses feuilles relativement chères et leur utilisation sur le terrain était compliquée par le découpage excessif. Pour les scientifiques, elle ne correspondait pas à l’approche méthodologique classique dans laquelle la carte n’était que le résultat illustratif d’études sur le terrain, et de toute façon, elle manquait de données géologiques ou glaciologiques. Reconnue comme un travail remarquable par les savants, elle servit surtout de base à la réalisation de cartes géologiques ou de croquis glaciologiques représentant les avancées de la science, comme par exemple la Carte géologique du massif du Mont-Blanc au 1 : 20 000 par Paul Corbin et Nicolas Oulianoff631.

Notes
630.

Lettre de 1902 citée par MAURY Colonel Léon éd. L’œuvre scientifique du CAF. Op. cit., p. 131.

631.

CORBIN Paul, OULIANOFF Nicolas. Carte géologique du massif du Mont-Blanc (partie française). Paris : Gaillac-Monroc, 1927. 1 feuille. Couleurs. Echelle 1 : 20 000.