Chapitre 3. De la guerre de 1870 à la première guerre mondiale, l’affirmation d’une conception utilitariste de la cartographie.

Dans la deuxième moitié du 19e siècle, alors que s’affirmait une cartographie indépendante de la haute montagne qui conjuguait intérêt scientifique et souci esthétique dans une production originale et variée, la cartographie militaire connut une mutation majeure dans laquelle la défaite de 1870 joua un rôle fondamentale. Marquées par l’inutilité de la carte d’état-major pour les armées françaises face à une exploitation particulièrement efficace de la cartographie par les armées prussiennes, les autorités publiques et militaires se trouvèrent confrontées au délicat problème de l’actualité d’une carte, qui remettait profondément en cause leur conception fixiste de la cartographie : non seulement la carte pouvait être utilisée comme un outil, mais son efficacité procédait essentiellement de sa mise à jour régulière. Le bouleversement conceptuel que constituait l’émergence d’une telle conception utilitariste au Dépôt de la guerre se traduisit par des changements institutionnels et techniques immédiatement consécutifs à la guerre de 1870, parmi lesquels la mise en place difficile d’une révision régulière de la carte de France. Il provoqua également une diversification de la production cartographique du service officiel, basée sur la reconnaissance de l’inadaptation de la carte d’état-major mais toujours motivée par les seuls besoins militaires, en particulier dans les Alpes où les années 1880 marquèrent une période de tension frontalière avec l’Italie. Finalement, l’approche résolument pratique de la topographie adoptée par les topographes du génie au sein du Dépôt des fortifications fut intégrée au service géographique autour d’un nouveau projet de carte de France au 1 : 50 000 : les difficultés budgétaires favorisèrent l’affirmation de l’autonomie du service géographique dont l’expertise technique fut confirmée au cours de la première guerre mondiale.