3.1.3.1. La zincographie, une reproduction cartographique plus rapide et moins onéreuse.

En 1818, Senefelder avait décrit simultanément les techniques du report sur pierre et du report sur zinc653, qui reposaient sur un principe analogue. Mais alors que la première fut employée dès les années 1830 au Dépôt de la guerre, la deuxième posait des problèmes de préparation du zinc qui limitait son utilisation productive, même si elle avait été brevetée dès 1829 par Bregnot pour son application à l’impression de cartes en grand format et développée par Koeppelin qui lui avait donné le nom de zincographie.

Le potentiel était donc connu, mais la solution technique ne fut développée que dans les années 1870. Sur ordre exprès du colonel Bugnot, plusieurs artistes du Dépôt de la guerre travaillèrent sur le problème de la gravure directe sur zinc. En novembre 1877, un premier essai était montré au colonel, puis en août 1878, le procédé était utilisé pour la première fois de façon productive afin de tirer un plan de l’observatoire de Biskra publié dans le tome XI du Mémorial de la guerre. La technique fut encore améliorée : en particulier, les corrections étaient dorénavant exécutées sur un premier report sur zinc, puis les tirages effectués à partir d’un report de ce report. En 1879, Mézières était la première feuille de la carte de France tirée par ce procédé. A mes yeux, son développement constitue un exemple typique de recherches sur objectif, mais il illustre surtout à quel point la défaite de 1870 motiva les milieux scientifiques et techniques français.

Plus économique et plus pratique que la lithographie, la zincographie fut généralisée de 1880 à 1890 pour tous les tirages civils et militaires de la carte de France, dans une édition par quart de feuille. Une imprimerie zincographique fut rapidement développé au sein même du Dépôt de la guerre : dotée d’un nombre de plus en plus important de machines654, elle permit d’abaisser les coûts de production par rapport aux imprimeurs privés utilisés auparavant.

Cependant, pour les spécialistes, certains défauts de la zincographie la rendaient qualitativement inférieure à la taille-douce. Le premier était sa tonalité trop uniforme : en raison de la faible épaisseur des feuilles de zinc, la gravure ne pouvait pas être aussi profonde que dans le cuivre, empêchant de faire varier la quantité d’encre et donc la profondeur du noir qui permettait en taille-douce de bien distinguer une écriture sur un fond de hachures, par exemple. Lié aux spécifications même de la carte de France, conçue pour une impression monochrome en taille-douce, cette uniformité pouvait être contournée en employant plusieurs couleurs, mais la complexité du procédé le réservait à certaines cartes spéciales655.

Le deuxième défaut provenait des qualités mêmes de l’édition zincographique. Rapide et efficace pour les corrections, elle devait permettre de publier les révisions d’une année sur l’autre afin d’avoir une édition toujours actualisée, même si les cuivres prenaient alors du retard sur l’édition courante. Mais les planches de zinc étaient déjà des reports de report : le procédé de report provoquant un empâtement du trait, elles avaient déjà une netteté inférieure aux cuivres originaux. Leur correction intensive provoquait donc assez rapidement des tirages défectueux, parfois même illisibles, au point qu’en 1885, le colonel Foucher signalait dans un rapport la situation critique de certaines planches de zinc.

Notes
653.

BERTHAUT Colonel. La Carte de France.T.2. Op. cit., p. 109.

654.

A partir de 1882, l’imprimerie du Dépôt de la guerre fut installée dans l’ancien manège de l’école d’état-major pour disposer d’une place suffisante aux investissements matériels consentis.

655.

Voir infra, partie 2, chapitre 3.3.