3.1.3.3. Photographie et héliogravure, début d’une mutation fondamentale des procédés de reproduction.

Impression en taille-douce, lithographie et zincographie reposaient sur le même principe de tirage à partir d’une planche gravée manuellement, qui posait les mêmes problèmes d’usure des planches et de complexité des corrections. Dans la deuxième moitié du 19e siècle, le développement de l’utilisation de la photographie aboutit à une mutation fondamentale du procédé de gravure lui-même, que Koeman identifie comme la première révolution des procédés modernes de reproduction cartographique658.

Le Dépôt de la guerre s’était intéressé très tôt aux capacités de reproduction presque à l’identique de la photographie. Un atelier de photographie avait été mis en place dès 1859, mais il ne servait qu’à l’agrandissement ou la réduction de documents topographiques comme les feuilles ou les minutes, pour des applications ne concernant qu’un petit nombre d’exemplaires : reproduction pour la gravure, révision, mise au net. Les procédés employés suivirent l’évolution de la photographie659, mais les reproductions de mauvaise qualité et peu lisibles effectuées en urgence pendant la guerre de 1870 démontrèrent les limites de la reproduction photographique directe pour des tirages importants.

Cependant, depuis les premiers travaux de Nièpce en 1826, le développement de la photographie avait toujours inclus des études sur les procédés de reproduction photomécanique. Sous l’impulsion des changements consécutifs à la guerre de 1870, l’atelier de photographie commença à utiliser ces procédés qui ne répondaient auparavant à aucun besoin du Dépôt de la guerre. A partir de 1879, les techniques lithophotographiques et zincophotographiques servirent à produire de faux-décalques pour aider à la gravure – toujours manuelle – des premières cartes topographiques en couleur (encadré 3).

Le bouleversement fondamental des techniques de reproduction correspond aux premières applications de l’héliogravure. Ce procédé fut introduit au Dépôt de la guerre en 1883, à la suite des travaux du commandant de la Noë au Dépôt des fortifications. Il permettait d’obtenir directement, à partir d’un cliché photographique, une planche d’eau-forte, c’est-à-dire gravée en creux : l’étape de la gravure manuelle était ainsi supprimée. Le procédé connut de nombreux développements liés aux évolutions industrielles : il fut notamment appliqué au cuivre et connut un développement considérable avec les inventions du processus de copie sur zinc par chromium-gum en 1901 et de la presse offset en 1904660. Particulièrement rapide et économique, son emploi fut rapidement généralisé au Dépôt de la guerre pour nombre de cartes dérivées du 1 : 80 000, dont l’amplification au 1 : 50 000 en noir et blanc du type 1889661, avant de servir à la production de la nouvelle carte de France662.

La mise au point et l’adoption de nouvelles techniques de reproduction avaient été influencées par la nécessité de disposer de tirages plus nombreux et moins chers, d’abord pour développer sa diffusion afin d’augmenter les recettes des ventes, puis après 1870 pour trouver une solution aux difficultés d’approvisionnement cartographique rencontrées pendant la guerre. Mais la plus grande souplesse de ces techniques, notamment dans les corrections des planches, permit également d’envisager une mise à jour régulière de la carte de France.

Notes
658.

Selon Koeman, la deuxième révolution débuta dans les années 1940 avec l’adoption de techniques permettant d’arriver à un processus purement photomécanique réduisant au minimum l’intervention manuelle (voir infra, partie 4, chapitre 4.1).

KOEMAN C. The application of photography to map printing and the transition to offset lithography. In Five centuries of map printing, op. cit., p. 137-155.

659.

Cependant, les opérations se déroulant dans un atelier, les opérateurs n’avait besoin ni d’un système évitant les manipulations chimiques préalables à la prise de vue, ni d’un temps de pause court puisque l’objet photographie était fixe : les plaques au gélatino-bromure ne remplacèrent donc pas les glaces préparées au collodion humide, même si le transfert des clichés des plaques de verre sur des gélatines fut rapidement adopté pour permettre la réutilisation des glaces.

660.

KOEMAN C. The application of photography to map printing. Op. cit.

661.

Voir infra, partie 2, chapitre 3.3.

662.

Voir infra, partie 2, chapitre 3.4.