3.3.3. Les cartes dérivées, un domaine d’expérimentation cartographique.

3.3.3.1. L’utilisation de la couleur.

Dès la fin des années 1850, l’utilisation de la couleur fut la première solution proposée aux problèmes de lisibilité de la carte de France. L’importance de ces problèmes fut rapidement accentuée par la publication des feuilles de haute montagne, particulièrement sombres et difficiles à lire à cause du rapprochement des hachures, et par le développement de l’édition zincographique aux teintes trop uniformes. Dès lors, l’emploi de la couleur fut très sérieusement étudié pour les premières cartes dérivées du 1 : 80 000 envisagées après 1870.

Malgré quelques essais menés dans les années 1850, l’impression en taille-douce n’avait jamais permis l’utilisation efficace de la couleur : la nécessité de mouiller le papier et de chauffer la planche de cuivre provoquait des déformations qui empêchaient de superposer correctement les différentes couches de couleurs. Les premiers essais concluants de cartes en couleur furent finalement exécutés avec le procédé photolithographique qui permettait de graver une pierre par couleur à partir d’une même maquette et donc d’assurer un bon alignement des différents coups de presse. La complexité du processus le réserva à des cartes exceptionnelles en une seule feuille, comme la carte du sud oranais en deux couleurs (1856), la carte du Liban en cinq couleurs (1862) ou bien sûr la carte du Mont Blanc de Mieulet. A partir de 1872, la carte de la frontière des Alpes au 1 : 80 000 fut également gravée sur pierre, mais par un mélange de gravure directe à partir des calques de courbes et de photolithographie pour les eaux et le trait. Elle n’utilisait que trois couleurs (noir, bleu et bistre), mais combinait les deux dernières pour obtenir une teinte verdâtre pour la végétation.

Le développement de la zincographie favorisa l’emploi de la couleur : à cause de la faible épaisseur de la feuille, la gravure directe sur zinc était inférieure à celle sur cuivre pour les hachures, mais particulièrement adaptée pour les courbes de niveau et les teintes. Dans le projet de 1880-1884, la carte de France au 1 : 50 000 en courbes et en couleur devait être reproduite par zincographie, avec autant de planches que de couleurs, toutes gravées à l’aide de faux-décalques obtenus par photozincographie. L’abandon du projet n’empêcha pas les ateliers du Dépôt de la guerre de tirer une grande expérience des soixante-quinze feuilles publiées, notamment dans l’intensité des traits et des couleurs pour éviter le sentiment de diffusion de l’attention que donnaient les premiers tirages.

A la fin du 19e siècle, l’amplification en couleur au 1 : 50 000 de la carte d’état-major fut rendue possible par l’emploi de l’héliogravure qui accélérait encore les opérations de gravure. Son principal avantage, qui fut systématiquement mis en avant pour soutenir le projet, était la mise à jour plus facile de l’amplification en couleur par rapport à celle en noir : puisque les révisions ne concernaient généralement que la planimétrie, il suffisait de retoucher la planche concernant celle-ci, sans avoir à modifier également les fonds orographique et hydrographique puisqu’ils se trouvaient sur des planches différentes.