3.4.1. La nouvelle carte de France au 1 : 50 000, entre tradition et modernité.

3.4.1.1. Nivellement et levés de précision, une base originale.

Les bouleversements conceptuels provoqués par la guerre entraînèrent la multiplication des nouveaux projets dans de nombreux domaines connexes à la cartographie, au cours des décennies qui suivirent 1870. En 1878, le ministre des Travaux publics avait ainsi créé une Commission centrale du nivellement pour étudier non seulement l’exécution d’un nouveau nivellement général de la France, destiné à vérifier et compléter celui qu’avait dirigé Bourdalouë entre 1857 et 1864706, mais aussi d’une carte pour le représenter. Ce fut dans le cadre de cette Commission que le commandant de la Noë, chef de la brigade topographique du génie au Dépôt des fortifications, proposa la réalisation d’une carte au 1 : 50 000, en courbes de niveau et en couleurs, basée sur des levés de précision comme ceux qu’effectuait sa brigade707. Soutenu par le lieutenant-colonel Bugnot, directeur du Dépôt de la guerre, et le commandant Perrier, le projet fut adopté en même temps que celui d’une carte au 1 : 100 000 pour le ministère de l’Intérieur, étudiée par le capitaine du génie Prudent, et celui d’une carte au 1 : 10 000 rapportant les résultats du nivellement en y ajoutant la planimétrie, issue des levés de précision ou de révisions du cadastre par les corps d’armées, et le tracé de courbes de niveau appuyées sur le nivellement de détail. Cette carte au 1 : 10 000 devait constituer un répertoire pouvant servir à la réalisation de celles au 1 : 50 000 et au 1 : 100 000708.

L’exploitation du cadastre, l’utilisation des courbes, l’échelle de levé et de gravure rapprochaient ce projet de celui initialement proposé par la Commission royale de 1817. Ses rapporteurs insistèrent d’ailleurs systématiquement sur les liens avec le programme arrêté par cette « haute commission » et le prestige qu’il donnerait à la France, lui rendant « le rang que lui avait valu son initiative dans les premières années de ce siècle »709. Au contraire, je pense que la conception de cette nouvelle carte de France tranchait radicalement avec tous les précédents projets qui avaient toujours reposé sur de nouvelles opérations géodésiques et une éventuelle collaboration avec le cadastre. Basée sur le développement récent du nivellement et des levés de précision – ou à défaut seulement des révisions du cadastre –, cette carte confirmait en fait l’importance nouvelle prise par la représentation topographique géométrique du relief 710.

Cependant, la nécessité de toutes ces nouvelles entreprises ne semblait pas aussi évidente pour les autorités publiques que pour les spécialistes qui formaient les commissions : les crédits budgétaires ne furent débloqués en 1883 que pour les opérations de nivellement et la carte au 1 : 100 000 – qui finit par être dressée à partir de la carte d’état-major. Pourtant accepté par la Commission centrale du nivellement, le projet de nouvelle carte de France fut en définitive rejeté.

Notes
706.

Voir infra, partie 2, chapitre 4.2.1.1

707.

Le SGA. Op. cit., p. 53.

708.

ALINHAC Georges. Cartographie ancienne et moderne. T.2. Deuxième fascicule : cartographie française moderne. Paris : Institut géographique nationale, 1956, p. 48.

709.

Projet de loi présenté à la chambre des députés le 7 juin 1881, cité par BERTHAUT Colonel. La Carte de France. T.2. Op. cit., p. 298.

710.

Voir infra, partie 2, chapitre 4.2.