3.4.2.3. Le problème du personnel permanent.

Depuis la suppression du corps d’état-major en 1880, le Dépôt de la guerre puis le Service géographique de l’armée employaient majoritairement des officiers temporairement détachés d’autres armes pour assurer l’encadrement et les opérations de terrain727. Comme je l’ai déjà souligné à propos de la mise en place des révisions de la carte d’état-major728, la compétence des officiers ainsi employés posait de nombreux problèmes, si bien que le SGA s’était résolu à affecter de préférence ses officiers permanents pour les révisions729. Mais les effectifs du personnel permanent étaient singulièrement limités, puisqu’il ne pouvait comprendre que soixante-dix officiers d’après le décret de 1911 :

Deux mesures avaient été prises pour compléter ce personnel permanent : la création en 1903 d’une brigade topographique de sous-officiers détachés d’autres armes pour développer les levés de précision730 (elle n’effectua aucune opération dans les Alpes), et la mise en place en 1907 d’une brigade d’instruction regroupant « les jeunes opérateurs novices, lieutenants détachés des corps de troupes à titre temporaire et spécial, qui [fournissaient] le recrutement annuel de ses brigades de levés »731.

Cependant, ces mesures ne suffisaient pas à pallier l’absence d’un corps spécialisé depuis la suppression de celui des ingénieurs géographes. Si les officiers d’état-major avaient fourni jusqu’en 1880 des opérateurs relativement bien formés, leurs compétences limitées avaient posé ponctuellement des problèmes, comme dans la triangulation tardive des régions alpines annexées en 1859732. En 1909, des fonctions jusque-là réservées aux officiers d’administration ou aux lieutenants du génie avaient dû être ouvertes aux corps des sous-officiers topographes, formés par huit sous-officiers détachés de façon permanente au SGA. Les compétences techniques demandées rendirent leur recrutement particulièrement difficile, d’autant plus qu’ils avaient tendance à rejoindre leur arme quand leur ancienneté leur permettait d’atteindre les grades supérieurs d’adjudant ou d’adjudant-chef.

En l’absence d’un corps spécialisé d’officiers permanents, le SGA fut confronté jusqu’en 1939 à ce problème récurrent du recrutement des officiers topographes. L’instabilité de son personnel l’empêchait de mettre en place une politique de formation véritablement efficace. Une première tentative de fixation du personnel fut entreprise par le général Bourgeois juste avant la première guerre mondiale : accepté le 15 avril 1914 par le Parlement, son projet de loi augmentait à vingt l’effectif du corps des sous-officiers et les plaçait hors-cadre. Leur nouveau statut, défini dans un rapport du 2 juin 1914, permettait notamment aux sergents et maréchaux des logis d’obtenir après huit ans le grade d’adjudant tout en restant au SGA. Il n’apportait pourtant qu’une solution partielle au problème de recrutement et de stabilité du personnel, qui, selon moi, constituait un des fils directeurs de l’évolution institutionnelle du SGA, puis de l’IGN, au 20e siècle733.

Notes
727.

La rédaction et la reproduction des cartes étaient assurées par un personnel civil, séparé par le décret de 1912 en trois catégories : personnel artistique (graveurs, dessinateurs, employés des ateliers de reproduction, photographes, constructeurs, calculateurs), personnel d’exploitation (chefs d’atelier, imprimeurs géographes, ouvriers) et personnel administratif (employés de bureau, gardiens, concierges, etc.).

728.

Voir supra, partie 2, chapitre 3.2.2.

729.

Voir supra, partie 2, chapitre 3.2.3.1.

730.

Rapp. SGA 1903, p. 16.

731.

Rapp. SGA 1907, p. 15.

732.

Voir supra, partie 1, chapitre 4.2.3.2.

733.

Voir infra, partie 4, chapitre 1.