3.4.3.3. L’achèvement de la concentration des activités topographiques.

Malgré ses nouvelles attributions738, le SGA vit ses effectifs et ses crédits notablement réduits après la guerre. Son potentiel fut diminué par la suppression rapide de la plupart des sections topographiques et des annexes de province. Pour permettre la reprise du travail normal et son extension aux nouvelles nécessités soulignées par la guerre, le colonel Bellot, directeur du SGA depuis 1919739, entreprit une réorganisation profonde pour supprimer la décentralisation mise en place pendant le conflit. En particulier, il reconstitua l’effectif du service qui avait souffert d’une double hémorragie causée d’un côté par les nombreux morts au front, de l’autre côté par les promotions qui avaient conduit de nombreux survivants à réorienter leur carrière. Après avoir réuni entre 1919 et 1920 les rares anciens officiers et sous-officiers encore susceptibles de servir dans les brigades de travaux sur le terrain, il mit en place la formation des nouvelles recrues740. Il assura également l’installation du service dans de nouveaux locaux, sans trouver de solution définitive permettant d’assurer la réunion des différentes sections.

Mais malgré les efforts du colonel Bellot, des reliquats de l’organisation décentralisée perdurèrent pendant les années vingt et trente et s’opposèrent à la dynamique globale de concentration du travail cartographique qui avait dominé l’évolution institutionnelle du service officiel depuis le début du 19e siècle. En particulier, deux sections topographiques furent maintenues dans les secteurs fortifiés des Alpes sans relever pour autant du SGA741. Rattachées au commandement des 14e et 15e Corps, leur mission était d’assurer la réfection des « cartes de secteur », établies en 1914 sur les fonds de la carte d’état-major, en employant cette fois le fonds des nouvelles cartes de France au 1 : 50 000 et au 1 : 20 000, qui couvrait déjà la majeure partie de la frontière des Alpes. Leur compétence limitée poussa les corps à demander le soutien du service géographique, qui mit alors à leur disposition du matériel et un petit crédit annuel, en même qu’il organisa des instructions spécifiques.

Je pense que cet investissement relevait autant de la volonté de maîtriser toute la production topographique militaire que du besoin de mettre en place des organes annexes pour servir de liaison avec les commandements militaires. Le SGA souhaitait d’ailleurs généraliser le principe de ces sections topographiques : après un premier projet rejeté par l’état-major en 1926, le SGA dirigea les travaux photographiques pour l’équipement des observatoires des organisations défensives qui aboutirent à la création de plusieurs sections photographiques entre 1933 et 1936. En octobre 1938, l’état-major accepta finalement la création de sections topographiques de région : le personnel, les locaux et le mobilier étaient fournis par la Région qui gardait le commandement des sections ; le SGA apportait le matériel technique, les produits photographiques et sa direction technique ; l’état-major de l’armée assurait l’attribution des crédits742. Les mises à jour devaient être communiquées au SGA qui restait le seul à pouvoir effectuer toute modification importante des fonds de carte : il disposait ainsi de ce qui pouvait être considéré comme des brigades permanentes de révision dans les régions frontalières.

Grâce à son autorité technique gagnée pendant la guerre, le SGA avait ainsi réussi à s’assurer rapidement le contrôle total de la production d’information topographique dans les armées, et donc de l’information topographique de base pour tous les services officiels français : à partir des années vingt, la nouvelle carte de France commença à être désignée par le terme très révélateur de carte de base. Je considère que cette concentration des activités topographique fut la conséquence majeure des activités du service pendant la première guerre mondiale. Avec la question de l’existence d’un corps d’officiers spécialisés, elle constitue même à mon avis l’un des fils directeurs de toute l’évolution institutionnelle du service cartographie militaire depuis les premières tentatives de réunion des organismes topographiques pendant la Révolution. Comme la diversification des activités du SGA, elle confirmait l’adoption de la conception utilitariste de la cartographie, dans le sens où elle constituait une reconnaissance de la spécificité du travail cartographique et de l’expertise technique qu’elle nécessitait, autant qu’elle en était une conséquence.

Notes
738.

En plus de ses nouvelles activités, le SGA devait assurer la cartographie de nouveaux territoires (les états du Levant sous mandat français, le Sahara) et la production de nouveaux types de cartes (cartes aéronautiques pour l’armée de l’air).

739.

Après avoir assisté le général Bourgeois pendant la guerre en organisant et dirigeant les Groupe de canevas de tir et les Sections topographiques des armées, le colonel Bellot lui succéda à la direction du SGA qu’il conserva jusqu’en 1935, après avoir été nommé général de brigade en 1924 puis de division en 1930.

740.

Un programme de levé des plans directeurs de tous les camps militaires et champs de tir de France servit de formation aux nouveaux officiers topographes, en même qu’il fournit des documents utilisables pour l’instruction des troupes aux nouvelles méthodes tactiques. Parallèlement, le colonel Georges Perrier, fils de l’ancien directeur du SGA, fut chargé de réorganiser la section de géodésie, notamment par la formation de nouveaux officiers géodésiens.

741.

Le SGA. Op. cit., p. 86.

742.

Rapp. SGA 1938-39, p. 28.