Chapitre 4. Le tournant méthodologique des levés de précision : une représentation entièrement géométrique du relief.

Parallèlement aux bouleversements conceptuel et institutionnel provoqués par la défaite de 1870, la cartographie topographique officielle connut une mutation méthodologique considérable dans le dernier quart du 19e siècle, qui s’incarna dans la nouvelle carte de France au 1 : 50 000 au début du 20e siècle. Malgré les prémisses du nivellement topographique, les travaux de la carte d’état-major avaient impliqué une géométrisation seulement partielle de la représentation du relief, essentiellement basée sur les données géodésiques. Au sein du Dépôt des fortifications d’abord, puis du nouveau Service géographique de l’armée ensuite, les militaires développèrent pour les levés de place forte une méthode radicalement différente reposant sur une mesure systématique du terrain. Etroitement liée à une recherche instrumentale qui suivait le schéma classique de l’innovation technique en cartographie, mais avait été intégrée à la structure institutionnelle du service cartographique, cette méthode permit l’essor d’une représentation entièrement géométrique du relief basée sur l’emploi des courbes de niveau. En mettant l’accent sur les pratiques instrumentales dans les levés topographiques eux-mêmes, elle redéfinissait radicalement les rapports entre topographie et géodésie qui avaient dominé l’évolution de la cartographie scientifique depuis la fin du 17e siècle. Ce faisant, elle inscrivait définitivement la cartographie topographique dans un paradigme de développement scientifique pour lequel l’amélioration de la mesure instrumentale était la seule voie d’évolution possible.